Rappelez-vous: il y a encore quelques semaines, la quasi totalité des chroniqueurs, analystes, spécialistes, hommes politiques invités dans les médias, juraient de l’unité inébranlable de l’UE, de sa solidarité sans faille avec les pays membres pris dans la tourmente financière, de la nécessité de ne laisser aucun pays sur le bord de la route et s’affranchir de l’euro. En un mot, pas question pour la Grèce de quitter l’euroland, même si le remède de cheval administré à Athènes était très grandement susceptible d’achever le malade… Les choses ont bien changé depuis avec la chute continue des places boursières européennes, les attaques contre les banques françaises fragilisées par leurs investissements en Grèce. Et surtout avec les doutes exprimées à haute voix en Allemagne sur la pérennité de la présence d’Athènes au sein de la zone euro.
Dernier épisode visible de cette guerre, qui est aussi psychologique, lancée par certains milieux d’affaires, voire par le gouvernement américain lui même contre la France, selon les propres dires de Laurence Parisot que nous citions dernièrement, la Société Générale a porté plainte pour diffamation contre le tabloïd anglais Mail on Sunday. Ce journal avait publié début août un article annonçant que cette banque française était au bord du krach financier…
L’Europe, la France sont elles en mesure d’enrayer la gangrène sans couper la branche grecque? Hier, interrogé sur le site de l’Express, Thibault Mercier, économiste chez BNP Paribas, se voulait optimiste quant aux capacités d’Athènes à sortir du marasme sans rétablir sa monnaie nationale. Pour autant, il résumait les conséquences du traitement imposé à ce pays avec l’aval de son gouvernement : «Le niveau de vie a baissé fortement en quelques mois. (La Grèce) a voté de nouvelles mesures d’austérité en juin dernier avec le risque d’accentuer la spirale austérité-récession. La demande intérieure a flanché, la récession sest accélérée. Conséquence: les mesures d’économie portent de moins en moins leurs fruits. »
Aujourd’hui, le site libéral contrepoints relevait très justement que «l’un des derniers tabous de la zone euro est tombé» hier. Dans un entretien accordé au journal Die Welt «le ministre allemand de l’économie Philipp Rösler a estimé que « pour stabiliser l’euro, il ne doit plus y avoir à court terme d’interdiction de penser à certaines options », dont celle d’une « insolvabilité ordonnée ». En d’autres termes, la Grèce va bientôt devoir être mise en faillite pour restructurer sa dette. Certes Bruxelles a rejeté à nouveau cette possibilité le jour même, après les déclarations du ministre. Mais pour combien de temps ? On murmure déjà à Berlin qu’il pourrait s’agir d’une question de semaines, voire de jours.»
Et de relever qu’« en Allemagne, le scepticisme qui a accueilli l’annonce des différents plans de sauvetage est en train de se transformer en hostilité affichée. Le 9 septembre dernier, un sondage (…) révélait que trois Allemands interrogés sur quatre se déclarait hostiles à l’élargissement des garanties allemandes en faveur des pays surendettés de la zone euro, de €123 à €211 milliards, soit 27% du montant total. Autant dire qu’un retrait allemand priverait la zone euro tout entière de son principal sauveteur.»
Des sauveteurs qui sous la pression de leurs opinions publiques, sont contraints de lâcher du lest et d’évoquer des scenarii qualifiés jusqu’alors d’improbables: « en dernier lieux, on ne peut plus exclure que la Grèce doive sortir de la zone euro », a déclaré Christian Lindner, le secrétaire général du FDP, parti allié de la CDU d’Angela Merkel.»
L’article de contrepoints cite encore Hans-Werner Sinn, «économiste et président du très influent think tank Institut for Economic» qui estimait le 12 septembre (…) qu’une faillite grecque serait une « libération » pour le pays. L’économiste a par ailleurs affirmé que « la seule issue pour la Grèce est de dévaluer au moins de 20% à 30% » sa monnaie, a-t-il dit. « Pour cela il faut quitter la zone euro, ce serait le scénario le moins grave . Mais cette décision revient à la Grèce seule.»
Cette accélération de la crise que traverse l’Europe de Bruxelles et de la zone euro, anticipée, prévue de longue date par le FN et sur laquelle il avait mis en garde nos compatriotes, donne en retour une grande légitimité au programme alternatif à l’européisme béat porté par Marine Le Pen dans cette campagne présidentielle. C’est pourquoi Bruno Gollnisch a estimé cette fin de semaine, propos rapportés sur le site du Point, qu’il préfèrerait que le projet présidentiel du FN «définisse exactement ce que l’on veut faire» vis-à-vis de la construction européenne, afin que le cap fixé par les nationaux apparaisse clairement aux yeux des électeurs.
«Je souhaite évidemment que mon point de vue soit pris en compte lors de la campagne présidentielle » a-t-il ajouté. Car il y a un risque, paradoxal peut être, qui pèse sur la candidature de Marine et qui a été pointé par Bruno Gollnisch, rapporte encore Le Point. A savoir que cette crise suscite un réflexe légitimiste, conservateur, de mauvais aloi, pouvant faire redouter aux Français un vrai changement de politique; une crainte qui serait susceptible de favoriser le pouvoir en place.
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