Mensonges, intoxications, manipulations sont au menu de l’actualité internationale de cette fin de semaine. Ce ne sont pas tant les accusations de l’Afghanistan Analysts Network (AAN), une organisation basée à Kaboul qui a publié hier un rapport accusant l’Isaf de falsifier à son avantage le résultat des raids contre les talibans, qui font débat que les accusations de Washington contre l’Iran. Hier, Barack Obama a affirmé que dans le cadre du « complot » déjoué cette semaine sur le sol américain visant paraît-il à assassiner l’ambassadeur d’Arabie saoudite, le suspect est « un individu américain d’origine iranienne. (…) Et nous savons aussi qu’il avait des liens directs, était payé et recevait des ordres d’individus au sein du gouvernement iranien ». Le secrétaire d’Etat, Hillary Clinton, a enfoncé le clou en exhortant les alliés de l’Amérique à accroître leur pression sur Téhéran. Sans surprise, l’Iran a accusé Washington de manipulations, de vouloir diviser le monde musulman pour « protéger Israël ».
Une affaire, souligne implicitement les Iraniens, qui éclate opportunément au moment où a « fuité » le rapport de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), qui sera présenté le 17 novembre à Vienne. Un rapport qui dénoncerait le caractère militaire du programme nucléaire iranien en des termes très durs selon les révélations apportées par Le Figaro.
Une coopération avec l’AIEA que le ministre iranien des affaires étrangères, Ali Akbar Salehi, a déclaré mardi vouloir poursuivre après la visite d’un responsable de cette agence onusienne la semaine dernière des sites nucléaires iraniens. « Des experts des deux parties doivent se réunir et élaborer un mécanisme pour voir comment nous pouvons procéder ». « Mais, l’AIEA doit d’abord dire que la première étape a été remplie et qu’une réponse a été apportée aux six questions en suspens. Cela devrait être dit d’une manière explicite » a affirmé le ministre iranien.
Au terme de l’accord conclu entre l’AIEA et l’Iran en août 2007, des réponses devaient être apportées sur la nature du programme nucléaire iranien, à la finalité non militaire assure Téhéran… sans convaincre les occidentaux et ses voisins. Deux mois plus tard, le vice-président américain Dick Cheney avait menacé Téhéran de « graves conséquences » s’il ne renonçait pas à « son programme d’enrichissement d’uranium ».
Le 3 décembre 2007, un rapport émanant des 16 agences américaines de renseignement portant sur le programme nucléaire iranien, concluait pourtant avec « un haut degré de confiance que l’Iran a arrêté son programme d’armement nucléaire fin 2003 » et avec « un degré de confiance modéré » que ce programme n’avait pas été relancé. Il était toutefois précisé que les Iraniens pourraient à terme être capables de se doter de l’arme nucléaire entre 2010 et 2015. Nous y sommes.
Prix Nobel de la paix 2005 pour ses efforts visant « à prévenir l’usage de l’énergie nucléaire à des fins militaires », l’égyptien Mohammed El Baradei, chef de l’AIEA jusqu’en 2009, mettait en garde à l’époque contre toute volonté belliciste à l’égard de l’Iran. Dans un entretien accordé au quotidien Le Monde en octobre 2007, il déclarait vouloir« détourner les gens de l’idée que l’Iran sera une menace dès demain et que nous nous trouvons maintenant devant la question de savoir s’il faut bombarder l’Iran ou le laisser avoir la bombe. Nous ne sommes pas du tout dans cette situation ». « Je ne peux pas juger des intentions (de Téhéran) de se doter de la bombe nucléaire, il lui faudra encore entre trois et huit années pour y arriver. Tous les services de renseignements s’accordent là-dessus », expliquait-il.
Reste que comme l’affirme aujourd’hui Le Figaro, le départ de M. El Baradeï aurait « libéré la parole des spécialistes de l’agence », sachant que ce dernier aurait minimisé le programme nucléaire iranien et dissimulé certains éléments.
Quand bien même, et c’est une vérité que certains ont reproché à Jean-Marie Le Pen d’avoir alors énoncé, il y a des principes qu’on ne peut pas transgresser. En l’espèce l’indépendance des pays membres des Nations Unies. Au nom de quels principes justement peut-on interdire à certains Etats de faire des recherches nucléaires, même en les supposant à vocation militaire, alors qu’on n’interdit pas à d’autres de les faire ? C’est le cas d’autres nations asiatiques comme Israël, l’Inde, le Pakistan ou la Chine… Il y a certes un geste que peuvent faire les nations, toutes les nations, qui disposent d’arsenaux nucléaires colossaux ont répliqué les Iraniens : c’est de s’en débarrasser, d’arriver au nucléaire zéro, à la bombe zéro.
Peut-on pareillement reprocher à Téhéran d’utiliser les moyens que la science met à sa disposition pour éventuellement pallier à ces besoins, pour rester « dans le coup » de la science mondiale. On sait que le nucléaire est un des leviers de la recherche scientifique dans le monde. Pourquoi ce grand pays scientifique, historique serait, lui, condamné à ne pas pouvoir accéder à cette recherche ? Il y a peut être aussi dans le sentiment de l’hostilité musulmane à l’égard de l’Occident, ce sentiment de frustration d’être mis en état de subordination dans un certain nombre de domaine.
Ce qu’on peut craindre, et Bruno Gollnisch l’a souligné pareillement, c’est que le président iranien, ou d’autres, avancent des menaces, qui peuvent appartenir aussi au discours homérique, au défi de place publique. Mais il est certain que la communauté internationale doit être vigilante, que son désir de ne pas voir s’étendre les capacités nucléaires dans le monde, devrait pour le moins s’accompagner d’une réduction des armements nucléaires des pays qui en disposent.
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