Depuis dimanche l’Egypte a un nouveau président, le premier non adoubé officiellement par l’armée, en la personne de Mohamed Morsy, 61 ans, représentant d’un ex mouvement interdit, la confrérie des Frères musulmans. Le candidat officieux des militaires, Ahmed Chafiq, ancien Premier ministre de Hosni Moubarak, a été battu d’une courte tête récoltant 12,3 millions de voix contre 13 millions de suffrages pour son rival sur fond d’abstention très conséquente (un électeur sur deux). Pour autant, le Conseil militaire au pouvoir depuis la chute de Moubarak a pris les devants : la Chambre basse du Parlement dominée par les islamistes a été dissoute à la veille du second tour présidentiel, et ce même Conseil a modifié la déclaration constitutionnelle pour garder le pouvoir législatif jusqu’à l’élection d’une nouvelle Assemblée…dont la date n’est pas encore fixée.
Issu d’un milieu modeste, étudiant à l’université du Caire, rappelle le site du quotidien algérien El watan, Mohamed Morsy « rejoint les rangs de la confrérie. Diplôme d’ingénieur en poche en 1978, Morsy part aux Etats-Unis pour continuer ses études où il obtient un doctorat d’Etat en génie dans une université de la Californie en 1985. Durant son long séjour US, il a effectué même un stage de deux ans à la Nasa. Il décide de rentrer au pays en 1985. Il occupe un poste d’enseignant à l’université de Zakazik dans la banlieue du Caire. Son statut de professeur le propulse au-devant de la confrérie. »
La victoire surprise de M. Morsy qui a pris la présidence du parti politique créé par les « Frères », le Parti de la liberté et de la justice (PLJ), n’a été possible que par le forfait d’un autre membre de la confrérie, le riche homme d’affaires Kheiret Echatar, dont la candidature a été rejetée du fait de sa condamnation dans une affaire de blanchiment d’argent.
Considéré en sein même de sa famille politique comme un conservateur ont rapporté les médias français (il s’est prononcé dans le passé pour le port du voile obligatoire ou encore contre la vente d’alcool dans son pays), M. Morsy a considérablement recentré son discours ces derniers mois, avec un art certain de la taqiya (dissimulation) selon ses contempteurs…
Mohamed Morsy a annoncé cependant sans détours qu’il entendait engager un bras de fer avec l’armée en s’opposant aux mesures prises par le Conseil militaire citées plus haut, visant à rogner ses pouvoirs et sa marge de manœuvre. Il s’est aussi engagé à être « le président de tous les Egyptiens », à nommer un vice-président copte (un signe d’espoir pour les chrétiens égyptiens souvent persécutés ?) et à gouverner avec «une large coalition nationale».
« A ceux qui l’accusent de vouloir imposer un Etat religieux, rapporte encore El Watan, il répond : «L’Etat religieux n’existe pas dans l’islam.» Son leitmotiv : «République, démocratique, constitutionnelle et moderne.» Il jure de respecter les libertés individuelles et collectives, mais la crainte d’un péril vert est sérieusement redoutée par de nombreux Egyptiens. Tiendra-t-il ses promesses ? ».
Dores et déjà sa victoire a été saluée par des salves de joie à Gaza par le Hamas (ce mouvement islamiste est une émanation des « Frères») mais aussi par les extrémistes et autres mercenaires djihadistes qui en Syrie, avec l’appui des pétro-monarchies alliés des Etats-Unis (Qatar, Arabie Saoudite), d’un pays membre de l’Otan comme la Turquie, de Londres et de Paris, se battent contre le régime laïque de Bachar el-Assad.
Il faudrait en effet être bien naïf constate Bruno Gollnisch pour penser que la victoire de M. Morsy en Egypte sera un obstacle à la politique américaine dans cette région du monde. Les Frères musulmans, tour à tour alliés ou adversaires de Washington, ont été instrumentalisés de longue date par les services secrets occidentaux. Tarik Ramadan n’a d’ailleurs eu aucun mal, soulignons-le au passage, pour ouvrir un Centre de recherche islamique chez le très américanophile émir du Qatar…
D’autant que Mohammed Morsy s’est engagé à ne pas franchir la ligne jaune consistant à s’opposer au remodelage du Proche-orient souhaité par la Maison blanche. Le 11 janvier 2012, lors de son entretien avec le sous-secrétaire d’État américain William Burns, le futur président égyptien a souligné « l’importance des relations égypto-américaines », promis d’œuvrer en faveur des droits de l’homme, de la tolérance religieuse, et surtout qu’il respecterait les obligations internationales de son pays.
A-t-il de toute façon le choix ? Washington « lâche » en effet un milliards de dollars à l’Egypte tous les ans pour s’acheter une conduite docile de ce pays, notamment vis-à-vis d’Israël, et les Américains, qui ont plusieurs fers au feu, continueront comme dans le passé à s’appuyer sur l’armée, véritable Etat dans l’Etat, qui contrôle la quasi-totalité de l’économie égyptienne. Un mastodonte financier capable de prêter un milliard de dollars à la banque centrale d’Egypte, comme ce fut le cas en décembre dernier…
Mais il est vrai que dans le même temps, dans notre propre pays, l’étranger aussi fait « ses courses » et impose subrepticement sa loi. Après être entré dans le capital des groupes Total, Veolia, Lagardere…, le rachat du PSG, le lancement de la chaîne Bein Sport, le Qatar, via un nouvel investisseur, probablement Katara Hospitality , a acheté au fonds américain Starwood Capital quatre de ses plus gros établissements hôteliers français : le Martinez à Cannes, le Concorde Lafayette et l‘Hôtel du Louvre à Paris, le Palais de la Méditerranée à Nice. Une vente à la découpe de la France qui ne choque pas François Hollande qui, comme son prédécesseur, n’est qu’un simple gouverneur atlantiste d’une province de l’euroland, sans vision nationale.
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