Lors d’une conférence de presse tenue à l’issue du sommet du G20 hier à Brisbane (Australie), François Hollande a affirmé qu’il n’avait toujours pas décidé de livrer ou non les navires Mistral à la Russie: «Je prendrai ma décision en dehors de toute pression, d’où qu’elle vienne et en fonction de deux critères, les intérêts de la France et l’appréciation que j’ai de la situation», a-t-il déclaré. Quel est l’intérêt de la France de faillir à sa parole ? Quel est l’intérêt de la France d’accabler la Russie au moment d’ailleurs ou celle-ci doit faire face à des difficultés économiques, difficultés que les sanctions décrétées par les pays de l’Otan et/ou sous le coupe de Washington ne peuvent qu’aggraver ? Ce sommet du G20 s’est déroulé dans un climat glacial de quasi « guerre froide » sur fond de crise ukrainienne a souligné la presse. Si Vladimir Poutine y était présent –contrairement au précédent sommet du G8-, celui-ci a essuyé une pluie de critiques et de récriminations. Donnant le ton, le Premier ministre australien Tony Abott a brutalement attaqué le président russe dés le vendredi lui reprochant de de vouloir restaurer «la gloire perdue du tsarisme ou de l’Union soviétique». Vouloir restaurer la gloire perdue de son pays, l’horreur absolue… M. Poutine fut le premier a quitter ce G20 évoquant avant son départ des « discussions constructives » et n’hésitant pas à remercier finement le Premier ministre australien pour son accueil…
Si l’on imagine bien que Vladimir Poutine, en bon joueur d’échecs, sait garder son sang froid, nos voisins italiens manifestent eux de manière bien compréhensible leur ras-le-bol devant la poursuite de l’invasion d’immigrés clandestins. Le site de RFI rapporte que les débarquements de plusieurs centaines d’immigrés ont repris à haute fréquence sur les côtes italiennes ces derniers jours, lesquels « augmentent les tensions et les protestations anti-immigrées ». « Brandissant le drapeau tricolore, des centaines de riverains vivant dans des banlieues bien trop négligées par l’Etat et la commune de Rome, sont descendus samedi dans les rues du centre de la capitale pour dire Basta! , Non à l’immigration! . Actuellement, l’Italie héberge dans des centres d’accueil 75 000 demandeurs d’asile ou réfugiés, contre 20 000 à la même époque en 2013 ».
Non à l’immigration ? C’est le refrain entonné mezzo voce par François Fillon soucieux de rebondir après l’affaire Jouyet et de se replacer dans la lumière à l’approche de la primaire UMP pour la présidentielle de 2017.
« Les intentions pèsent moins que les situations» notait Bertrand de Jouvenel et à l’évidence la situation présente, à savoir un FN et une Marine Le Pen en position de force dans l’opinion, commande aux prétendants de l’UMP de jouer le registre de la fermeté. Comme ses concurrents rapporte Le Figaro, « (F. Fillon) durcit le ton » « sur le thème de l’immigration ». « Quotas répartis selon l’origine des migrants, suppression de l’aide médicale d’Etat (AME) ou encore réduction de l’accès aux prestations sociales ».
Une radicalisation pour tenter de retenir les électeurs « qui amène les trois candidats (UMP) à la frontière de l’extrême droite, sur des sujets longtemps défendus par le Front » affirme le quotidien : « l’exemple de l’AME en témoigne: jusqu’alors, seul le FN prônait sa suppression. Désormais, trois des candidats à la primaire de l’UMP veulent mettre un terme à cette aide, qui permet aux sans-papiers (clandestins, NDLR) de se faire soigner gratuitement (…). Nicolas Sarkozy a lui aussi évoqué la suppression de l’AME, lors de son discours à Marseille, le 28 octobre. Une mesure qu’il défendait pourtant lorsqu’il était au pouvoir»…
« La radicalisation est-elle devenue une tendance à l’UMP? Pas tout à fait. (le politologue de gauche, NDLR) Thomas Guénolé préfère employer le mot tension. Cette tension, pour ou contre Nicolas Sarkozy, a été appelée ligne Buisson. C’est la ligne de lepénisation, explique-t-il. Elle coupe l’UMP en deux. 50% des électeurs UMP sont prêts à s’allier au FN, 50% non ».
En attendant, il semblerait que ce soit le plus mou d’entre eux, ou à tout le moins peut être le moins menteur car ne cherchant pas à faire des promesses dans ce domaine qu’il sait qu’il ne tiendra pas , a savoir Alain Juppé, qui creuse l’écart dans les sondages vis-à-vis de son principal adversaire.
Selon un sondage Ifop pour Dimanche Ouest-France, ce chantre de la poursuite de l’immigration dite légale serait préféré comme candidat UMP à la présidentielle par 36% des personnes interrogées (+7 points par rapport au début octobre) contre 21% à Nicolas Sarkozy (-1 point). L’écart qui était de 7 points début octobre entre les deux hommes, est désormais de 15 points, relève l’institut de sondage. Parmi les sympathisants UMP, Nicolas Sarkozy fait toujours la course en tête en tête (52%) par rapport au maire de Bordeaux (33%), mais l’ancien chef de l’Etat enregistre « un tassement de 7 points » par rapport au début octobre.
Si M. Sarkozy ne décolle pas, il met cependant les bouchées doubles pour séduire (tromper) le peuple de droite. Nous l’avons encore constaté à l’occasion de son passage vendredi devant un collectif proche de l’UMP, Sens commun, pour une réunion publique sur la loi Taubira, à laquelle étaient aussi conviés ses concurrents Bruno Lemaire et Hervé Mariton.
Sommé vertement par les auditeurs/sympathisants de l’UMP présents de clarifier sa position ambiguë , pour la première fois, le mari de Carla Bruni s’est dit favorable à l’abrogation du mariage pour tous…et la mise en place d’un mariage homo distinct du mariage hétéro. « Si vous préférez qu’on dise (qu’il faut) abroger la loi Taubira pour en faire une autre… En français, ça veut dire la même chose… Ca aboutit au même résultat. Mais enfin, si ça vous fait plaisir, franchement, ça coûte pas très cher » a-t-il ainsi déclaré.
Ca ne coûte pas très cher en effet, surtout dans la bouche d’un candidat qui a trahi la plupart de ses promesses quand il fut au pouvoir. Comme ses collègues et amis du Système, Nicolas Sarkozy est un émule assez caricatural du corrézien radical-socialiste Henri Queuille, trois fois président du Conseil sous la quatrième république, lequel déclarait : «les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent » (formule favorite en son temps de Charles Pasqua) ou encore « la politique n’est pas l’art de résoudre les problèmes, mais de faire taire ceux qui les posent »…
Pour faire taire les Français, les caciques de l’UMP estiment qu’il suffit de leur dire ce qu’ils veulent entendre le temps d’une campagne électorale. Mais c’est méconnaitre l’ampleur de la fracture entre le peuple et les partis dits de gouvernement largement démonétisés.
Relatant cette réunion, Gabrielle Cluzel écrivait hier sur Boulevard voltaire : « Sans doute peut-on ricaner des contorsions verbales de l’homme élastique Nicolas Sarkozy : abroger la loi Taubira, pour en faire une autre… instituer un mariage pour les homos et un pour les hétéros (qu’est-ce qui changera, la figurine de la pièce montée ?), bref, la politique façon roi Salomon, la chèvre et le chou auront chacun leur bout et tant pis si on a tué le mariage (…). Mais il ressort surtout clairement de ce meeting, des allocutions de ses responsables comme des réactions du public que le seul, le vrai enjeu est celui de l’identité ».
« Une identité que cette France bourgeoise, cette France bien élevée qui a manifesté l’an passé, défend à travers la famille, la filiation, l’identité sexuée. Une identité que la France populaire – la France périphérique, comme l’appelle le géographe Christophe Guilluy – veut conserver, elle, en luttant contre l’immigration massive. Christophe Guilluy et Renaud Camus ont raison : la fracture politique n’est plus entre la gauche et la droite, elle est identitaire ».
Un diagnostic établi depuis beaucoup plus longtemps par le Front National qui, comme l’affirme Bruno Gollnisch, entend bien rassembler les Français des deux rives.
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