Autant dire que les gros médias nationaux ne se sont pas trop épanchés sur ces émeutes qui arrivent au mauvais moment pour le gouvernement mais ont abondamment relayé la procédure (confirmée par l’Elysée) de retrait de la Légion d’honneur de Bachar el-Assad. Le président syrien décoré en 2001 par Jacques Chirac de la plus haute distinction de cet ordre créé en 1802 par Napoléon, la grand-croix, est, on le sait, accusé d’avoir couvert des crimes de guerre, notamment l »utilisation à plusieurs reprises d’armes chimiques, contre son peuple. Toutes choses qu’il dément et dont les preuves formelles n’ont jamais été apportées. A contrario, il est parfaitement établi affirme Bruno Gollnisch, que les djihadistes eux ont utilisé des armes chimiques (voir ici, ici ou encore ici ) notamment les islamistes du front-al-nosra soutenus par les occidentaux et décrits alors par Laurent Fabius comme des miliciens faisant du bon boulot.
La remise de la Légion d’honneur à Bachar-el Assad s’inscrivait dans la volonté de maintenir les liens tissés entre le France et la Syrie, déjà à l’époque du père de l’actuel president syrien, Hafez el-Assad, resté au pouvoir de 1970 à 2000, année de son décès. Chirac fut le seul chef d’Etat occidental à se rendre aux obsèques d’un homme à la tête d’un pays dirigé de manière très autoritaire, décrié sous nos latitudes pour son antisionisme et dénoncé par les défenseurs des droits de l’homme mais dont les qualités de diplomate avaient même impressionné Henry Kissinger. Etat syrien qui s’inspire de l’idéologie du nationalisme arabe laïque, du baasisme dont l’un des théoriciens fut le chrétien syrien Michel Aflak, cofondateur en 1947 à Damas du mouvement Ba’as qui donna naissance aux partis Baas syrien et irakien. Aflak (mort en 1989 à Paris) accusa par la suite Hafez el-Assad d’avoir trahi l’idéal baasiste qu’il voyait mieux représenté dans l’Irak de Saddam Hussein. C’est d’ailleurs à Bagdad que fut érigé le mausolée à la mémoire de Michel Aflak.
Rappelons aussi que la lutte féroce du pouvoir syrien alaouite, de la République arabe syrienne, contre les islamistes ne fut pas toujours mal vue par l’Occident. Ce fut le cas de la répression sanglante de l’association des Frères musulmans (constituée en 1928), lesquels sont entrés rapidement en conflit avec les nationalistes arabes irakiens et syriens et qui ont tenté dans les années 80 de renverser le régime, d’assassiner Hafez el-Assad . En 1980 mais aussi et surtout en 1982, des milliers d’islamistes ont été liquidés en Syrie. Nous le notions déjà sur ce blogue en décembre 2011, au début des opérations visant à éliminer le gouvernement de Bachar el-Assad, il fut un temps ou Alexander Haig, (éphémère) Secrétaire d’État de Ronald Reagan à la Maison Blanche, félicitait officiellement Hafez al-Assad, pour sa répression brutale en février 1982 d’un soulèvement organisé par des officiers membres des Frères musulmans...
Cette (longue) parenthèse étant fermée, constatons encore que certains se sont livrés à un petit pointage de tous les copains qui ont été décorés -certes cela fait du monde- mais aussi des salauds, et selon les goûts, les orientations politiques et les appétences de chacun, la liste fluctue énormément, qui ont été distingués par une Légion d’honneur. A dire vrai, des personnalités remarquables ont été et sont toujours décorées, mais il faut bien avoir en tête qu’à peu prés 3000 personnes étaient jusqu’alors distinguées chaque année. Emmanuel Macron a d’ailleurs annoncé en novembre dernier son intention de redonner du lustre à cette décoration en en restreignant le nombre d’environ 50% s’agissant des décorés civils et de 10% pour ce qui est des décorés militaires, soit a priori moins de 2000 par an.
Nous connaissons les personnalités les plus célèbres qui ont été déchues de cette décoration: le cycliste Lance Amstrong pour cause de tricheries; le styliste britannique John Galliano pour avoir tenu dans un lieu public et en état d’ébriété des propos antisémites; le producteur américain harceleur/abuseur sexuel Harvey Weinstein (une procedure de retrait le visant est en cours); le très antipathique général Paul Aussaresses qui s’était vanté, sur un ton qui faisait froid dans le dos, d’avoir pratiqué la torture en Algérie; le général Noriega, narco-trafiquant/assassin/agent double, commandant en chef des forces armées du Panama, décoré par François Mitterrand en 1987 mais radié en 2010 après son extradition vers la France pour y purger un peine de dix ans de prison pour blanchiment d’argent…
D’autres s’étonnent des figures peu regardantes sur les droits de l’homme qui ont été décorées et le sont encore, quand bien même ne sont elles plus de ce monde. Et de citer le général Louis Marie Turreau, génocideur de la Vendée en 1793 (au moins 170 000 victimes) qui conduisit les Colonnes infernales avec le général Westermann rasant les villages, fusillant les hommes, massacrant femmes et enfants. Ou encore le féroce dictateur communiste roumain, de sinistre mémoire Ceaucescu, décoré en son temps par De Gaulle émancipant alors la France de la tutelle de l‘Otan et voulant mettre l’accent sur l’indépendance (en fait très relative) de la Roumanie vis-à-vis du grand frère soviétique…
Plus prés de nous, le remise de la Légion d’honneur par François Hollande en mars 2016 à l’un des princes héritiers du royaume saoudien, Mohammed bin Nayef bin Abdelaziz Al Saoud, au nom de sa lutte contre le terrorisme, avait fait grincer des dents. Evincé depuis du pouvoir par l’ascension fulgurante de Mohammed Ben Salmane Al Saoud, Mohammed bin Nayef bin Abdelaziz Al Saoud a été très critiqué du fait de l’extrême brutalité de l’intervention militaire des saoudiens dans un Yemen désormais en plein chaos sanitaire, où les populations civiles yéménites, les chiites ont été victimes de multiples et sanglantes bavures. Mais nos alliés ont le droit de financer l’islam radical dans nos banlieues, d’avoir la main lourde et même de flinguer des enfants puisqu’ils sont dans le camp du bien, contrairement bien sûr à El-Assad et à Vladimir Poutine (décoré par Chirac en 2006) qui voient les fatwas s’accumuler sur leurs têtes par les habituels donneurs de leçons à géométrie variable.