Nous l’avons écrit, c’est maintenant que les difficultés commencent en Italie pour les nationaux de la Ligue de Matteo Salvini et les populistes du M5S de Luigi Di Maio qui ont trouvé (enfin) un accord de gouvernement après les élections législatives du 4 mars. Ils se sont entendus sur le nom de l’universitaire Giuseppe Conte, inconnu du grand public, pour être le futur chef de gouvernement, pour peu qu’il soit accepté par le président de la République, le très bruxellois Sergio Mattarella. La presse européiste et progressiste multiplie ce matin les mises en garde et les sombres scénarios sur cette volonté d’une forte majorité des Italiens de retrouver la maîtrise de leur destin. A les écouter, l‘Italie xénophobe, populo-fascisante pourrait entraîner l’UE dans l’abîme. Le Figaro l’écrivait hier après l’annonce de cet accord de gouvernement, « la rechute s’annonce sévère. L’Europe comptait tourner enfin la page et oublier dix ans de crise de la dette en refermant, d’ici à trois jours, le troisième et dernier plan de sauvetage de la Grèce. Le pays, boulet de la monnaie commune, prévoit de se financer tout seul sur les marchés avant l’automne. Jeudi soir, dans le huis clos de l’Eurogroupe, les mines risquent pourtant d’être sombres. L’Italie, une économie qui pèse huit fois plus lourd que la Grèce, menace à son tour de déraper sans que ni les ministres, ni les banques centrales, ni le fonds de sauvetage MES n’aient cette fois les reins assez solides pour la retenir. Le scénario donne depuis dix ans des sueurs froides à Bruxelles, Francfort, Berlin ou Paris: une équipe antisystème au pouvoir, comme celle d’Alexis Tsipras initialement -qui s’est finalement rapidement soumis à tous les diktats de la troïka BCE-UE-FMI, NDLR- , dans un pays de l’euro trop grand pour faire faillite…»
En fait de sauvetage de la Grèce (sauvée ?), il suffirait d’interroger les Grecs paupérisés et tiers-mondisés pour être plus que très moyennement convaincu de l’efficacité et de la pertinence du remède de cheval qui a été administré à ce pays. Au nom du dogme du maintien dans l’euro(pe), Athènes a reçu ces huit dernières années, en échange d’une implacable austérité, 260 milliards d’euros de prêts d’urgence qui font des Grecs une population totalement étranglée par sa dette…qui compte pour 178% de son PIB!
«À Sofia, où étaient réunis jeudi les dirigeants européens rapporte une dépêche de l’agence Reuters, Emmanuel Macron, a estimé que le gouvernement qui est en train de prendre forme en Italie était constitué de forces hétérogènes et paradoxales , mais il s’est dit confiant dans la capacité du président Mattarella, qui n’a jamais caché son inclination pro-européenne, à garantir que Rome continuera de travailler de manière constructive avec l’UE. »
Forces « hétérogènes et paradoxales » ? Ce jugement est repris dans les gros médias par la quasi totalité des commentateurs qui comparent souvent cette coalition à l’attelage dans un même gouvernement du FN libéral et la La France Insoumise socialo-trotskyste. Mais un parti mélenchoniste qui serait devenu anti-immigrationniste et qui entendrait défendre l’identité française… car le M5S n’était pas très en retrait par rapport à la Ligue lors de la campagne électorale dans sa dénonciation de l’immigration torrentielle, du multiculturalisme et du prosélytisme communautariste islamiste…
Sur le blogue Les crises, l’économiste Jacques Sapir n’élude pas les obstacles qui sont sur le chemin du nouveau gouvernement italien. Il note que celui-ci « constitue un véritable cauchemar que ce soit pour les dirigeants de l’Union européenne, les Juncker et les Tusk, ou que ce soit pour les dirigeants des autres pays de l’UE qui s’affichent comme des européistes, et en premier lieu le Président Emmanuel Macron. Ce gouvernement (…) sera un gouvernement ouvertement eurosceptique. Sa volonté de s’affranchir des règles budgétaires et financières imposées par l’UE, ce carcan qui s’appelle l’euro-austérité, en témoigne. Le poids de deux économistes connus pour leur farouche opposition tant à l’Euro qu’aux politiques d’austérité qui en découlent, mes collègues (Alberto) Bagnai et (Claudio) Borghi qui ont été élus sénateurs – tous deux économistes membres de la Ligue et inspirateurs du programme eurosceptique de Matteo Salvini, NDLR- , dans la politique de gouvernement ne sera pas mince. Il est cependant clair que cela entraînera un conflit avec le Président de la République italienne, M. Mattarella, dont le pouvoir de nuisance est plus important que ce que l’on imagine ici en France. »
M. Sapir se félicite aussi de ce que les lignes bougent, notamment du « fait que le dirigeant de la Sinistra Italiana, la gauche italienne , Stefano Fassina, envisage de soutenir de manière critique cet hypothétique gouvernement de coalition entre le M5S et la Lega indique bien un possible rassemblement des forces autour de la matrice souverainiste (…). Cette attitude pragmatique est à retenir. Elle tranche avec les partis pris que l’on peut entendre en France. Elle montre, veut croire M. Sapir, la voie pragmatique par laquelle pourra se construire un bloc souverainiste susceptible de s’opposer au bloc bourgeois-européiste qui s’est constitué dans de nombreux pays, ce bloc que des collègues italiens appellent les euronoïmanes…»
UE qui gagnerait certainement du crédit auprès des Européens, constate Bruno Gollnisch, si elle n’apparaissait pas comme un vassal des Etats-Unis dont personne n’ ose remettre en cause le joug et la domination, au-delà des effets de manche et de (timides) déclarations homériques.
RT le rapporte, lors d’une réunion organisée lundi par Heritage Foundation, très influent laboratoire d’idées (think-tank) promouvant l’idéologie impériale des néoconservateurs , le nouveau secrétaire d’Etat américain (équivalent de notre ministre des Affaires étrangères) Mike Pompeo, «a annoncé la volonté de son pays de travailler sur un nouvel accord concernant le nucléaire iranien. Il a toutefois fixé des conditions particulièrement contraignantes pour Téhéran qui avait fait part de son refus catégorique de renégocier.»
« Au cours de son discours (M. Pompeo) a dévoilé les 12 conditions que l’administration Trump souhaitait voir respectées pour la concrétisation éventuelle d’un nouvel accord. L’Iran doit, entre autres, arrêter de développer des missiles balistiques, libérer les ressortissants américains détenus dans ses prisons ou encore cesser de soutenir le Hezbollah en Syrie et dans d’autres pays de la région. »
Récent directeur de la CIA (il vient d’être remplacé à ce poste par Gina Haspel), Mike Pompeo est un faucon presbytérien qui ne fait pas dans le détail – il s’est notamment déclaré favorable à la peine de mort pour Edward Snowden. Il voue une haine très palpable à l’Iran et a donc été chargé de préciser les menaces contre Téhéran. Donald Trump avait annoncé le 8 mai le désengagement de Washington de l’accord nucléaire avec l’Iran conclu par son prédécesseur Barack Obama et le rétablissement des sanctions contre la République iranienne .
RT indique que M. Pompeo « a demandé le soutien des Européens pour parvenir à un nouvel accord, il les a en revanche avertis que les Etats-Unis tiendraient pour responsables les entreprises qui continueraient d’entretenir des relations commerciales dans certains secteurs avec Téhéran. Une menace déjà brandie par le conseiller à la Sécurité nationale John Bolton. Il avait fait savoir que le rétablissement des sanctions américaines était effectif immédiatement après la sortie des Etats-Unis de l’accord sur le nucléaire iranien. Quant aux entreprises déjà engagées en Iran, elles n’auraient que quelques mois pour en sortir (…). Mike Pompeo a en outre assuré que les Etats-Unis exerceraient une pression financière sans précédent sur l’Iran, avec les sanctions les plus fortes de l’Histoire, si Téhéran refusait de se plier aux exigences de Washington.»
L’AFP précise que la haute-représentante de l’UE pour les Affaires étrangères, Federica Mogherini a répliqué dans un communiqué au discours de Washington et entendrait résister à l’ultimatum de l’oncle Sam: «Le discours du secrétaire (d’Etat) Pompeo n’a démontré en rien comment le fait de se retirer du Plan d’action conjoint (JCPOA, le nom officiel de l’accord nucléaire iranien) avait rendu ou rendrait la région plus sûre de la menace de prolifération nucléaire ou comment il nous placerait dans une meilleure position pour influencer la conduite de l’Iran dans des domaines en dehors de la portée du JCPOA. »
Pour se préserver des menées américaines, la Commission européenne a lancé le 18 mai une procédure d’activation de la loi de blocage afin de contrecarrer les effets extraterritoriaux des sanctions américaines pour les entreprises européennes voulant investir en Iran.Cette loi entend donner la possibilité aux entreprises et tribunaux européens de ne pas se soumettre à des réglementations sur des sanctions prises par des pays tiers. Ainsi, aucun jugement décidé par des tribunaux étrangers sur la base de ces réglementations ne saurait s’appliquer au sein de l’UE.
Ce bras de fer peut-il être gagné par cette Europe là ? Ancien secrétaire d’État aux affaires Européennes, le républicain macrono-compatible et actuel ministre de l’Économie Bruno Le Maire dit le croire. Invité dimanche du Grand Rendez-vous Europe 1-Les Échos-CNEWS, il a déclaré que « le renforcement du règlement de 1996 (la loi de blocage, NDLR) nous permettrait de prendre à notre charge l’éventuel prix des sanctions payées par les entreprises et qui pourrait être payé par l’UE (…). Nous avons un budget européen à disposition qui doit nous permettre de protéger notre commerce et nos entreprises.»
Portée sur les fonds baptismaux par les Etats-Unis, soumise à l’Alliance atlantique l’Europe de Bruxelles peut-elle, souhaite-t-elle vraiment s’émanciper du grand frère (big brother) américain ? Derrière les beaux discours, les young leaders de notre gouvernement le veulent-ils aussi? « Est-ce que nous acceptons que les États-Unis soient le gendarme économique de la planète ? La réponse européenne doit être clairement non », a cependant déclaré M. Le Maire dimanche .
Il n’ignore bien évidemment pas les répercussions très négatives de la réactivation de l’embargo et des sanctions yankees pour des entreprises françaises comme Peugeot et Renault, respectivement 443.000 et 162.000 voitures vendues l’année dernière en Iran, soit à elles deux 40% d’un marché iranien de l’automobile en progression constante. Quant à Total, elle a signé en novembre 2016 avec le gouvernement iranien un accord de principe pour le développement du champ gazier de Pars Sud situé dans le Golfe arabo-persique pour un montant de six milliards de dollars… Passer sous les fourches caudines américaines (sans même parler dans ce dossier des oukases bellicistes de l’actuel gouvernement israélien) nous coûte décidément de plus en plus cher.
[…] contre l’Iran, lesquelles impactent directement et lourdement les groupes français. En 2017, notions nous, des entreprises comme Peugeot et Renault, avaient vendu respectivement 443.000 et 162.000 voitures […]