Dans Présent, Bruno Gollnisch revient sur deux tabous concernant la réforme des retraites :
Dans le débat actuel sur les retraites, deux questions majeures, pourtant à la racine du problème, ont été occultées. La première, c’est la question démographique, que j’évoquerai la semaine prochaine. La deuxième, c’est le libre-échangisme généralisé, et le chômage qu’il occasionne. A quoi sert-il en effet de retarder l’âge de la retraite, si tant de personnes, au chômage, n’y parviennent pas en ayant suffisamment travaillé, et donc cotisé ?
Un débat ancien toujours actuel
Le débat libre-échange / protectionnisme avait agité le XIXe siècle. Il reste d’actualité. Longtemps, en effet, les positions paraissaient simples : d’une part, le camp dirigiste en économie intérieure, se méfiait des échanges financiers et commerciaux ; il était protectionniste, d’autant plus que le socialisme, facteur de médiocrité, supportait mal la concurrence.
Par contrecoup, les tenants des libertés économiques ne voyaient que des avantages au développement des échanges internationaux. De fait, l’abaissement des barrières douanières pouvait avoir des conséquences partiellement favorables, entre des pays de semblables niveaux : de vie, de coûts salariaux, de protection sociale. On en attendait de nouveaux débouchés, des économies d’échelle dans les coûts de production, etc. Ce fut le pari initial du Marché Commun, de l’Europe des 6…
Mais il fallait que cette Europe conservât ses frontières extérieures, humaines aussi bien qu’économiques. Tel ne fut pas le cas. Et la trahison mondialiste a étendu au monde entier le dogme des bienfaits illimités de la libre circulation des personnes, des marchandises, et des capitaux.
Concurrence déloyale
Désormais, sur le même marché mondialisé, l’ouvrier français est en compétition avec l’ouvrier chinois. Le premier travaille 35 heures. Le second dort 35 heures… et travaille le reste du temps. Il est payé six ou huit fois moins (au Bangladesh : trente fois moins). Il ne dispose pas, ou très peu, de protection sociale, ni de pensions de retraite, et comme le régime est autoritaire, il ne peut même pas faire grève, ou se syndiquer librement ! Ce pays communiste est ainsi devenu un paradis pour les capitalistes les plus cyniques…
Les résultats sont connus : nos entreprises ferment, ou délocalisent, parce que, si elles ne le font pas, elles risquent d’être condamnées. Au besoin, on délocalise en vue d’optimiser les profits.
Au cours des trente dernières années, la France a perdu la moitié de son potentiel industriel. Elle a vu disparaître complètement, ou peu s’en faut, son industrie minière, sa sidérurgie, les trois quarts de ses constructions navales, de son industrie métallurgique, textile, ou de machines-outils. Elle est totalement absente de l’optique et de l’électronique grand public : elle ne fabrique ni chaîne de radio, ni téléviseur, ni magnétoscope, ni appareil de photo, ni caméra, ni micro-ordinateur, ni téléphone portable, alors que des millions de ces objets sont vendus sur son territoire. Ses dirigeants croyaient aux vertus indéfinies de la division internationale du travail. Mais cette spécialisation peut mettre en péril l’indépendance, l’identité, la culture, l’équilibre social d’une nation. Acceptons-nous un monde dans lequel certaines seront exclusivement spécialisées dans la fabrication des composants électroniques, d’autres, dans l’extraction des phosphates ou du minerai de fer, d’autres encore, dans la culture de la banane ? Et que restera-t-il d’ailleurs à la France ? Le tourisme ?
Malgré ces résultats calamiteux, le libre-échange généralisé a toujours des partisans et des théoriciens. Selon eux, le protectionnisme, tout comme les aides publiques, ne font que retarder les adaptations nécessaires. Ils seraient néfastes, serait-ce même pour protéger une industrie naissante, ou pour se protéger contre une concurrence « déloyale ». Ils vont jusqu’à dire qu’il importe peu qu’un pays concurrent pratique le dumping. Les prix bas qui en résultent, disent-ils, seraient une aubaine profitant au consommateur national, et ce dernier pourra de surcroît augmenter sa dépense au profit d’un autre secteur d’activité nationale, qui en bénéficierait également.
Prenons un exemple concret : celui d’une industrie électronique française, saine et bien gérée, mais devant faire face à la concurrence « déloyale » d’une entreprise d’un pays qui ne connaîtrait ni sécurité sociale des salariés, ni respect de la propriété industrielle (brevets, marques de fabrique, etc.), et qui de surcroît subventionnerait les exportations de ses entreprises pour leur faciliter la conquête des marchés extérieurs.
L’entreprise française, c’est clair, risque la faillite. A quoi les économistes ultra-libéraux répondront que d’une part les consommateurs français ont été les bénéficiaires des subventions de l’Etat étranger, et qu’un jour ou l’autre l’entreprise étrangère cessera d’être subventionnée, ses travailleurs exigeront une protection sociale décente, et sa faveur artificielle la placera en position de faiblesse pour affronter les concurrences qui ne manqueront pas de naître ou de renaître ici ou là, et cette fois, pourquoi pas, en France même.
C’est là que le bât blesse. Car les néo-libéraux surestiment l’élasticité du marché de l’offre et de la demande. Au XIXe siècle, des investisseurs privés disposaient à la fois d’une fortune suffisante et d’un esprit d’initiative leur permettant de créer dans des délais assez brefs des entreprises rentables. Aujourd’hui, on ne « monte » pas une aciérie moderne, une centrale atomique, une grande entreprise électronique si facilement. Les entreprises modernes, à la technologie avancée, sont généralement le résultat d’une longue élaboration : concentration de techniciens et de chercheurs, organisation de réseaux complexes de distribution, investissements considérables. La conséquence, c’est qu’une fois une telle entreprise disparue, son personnel licencié, ses recherches devenues sans objet, ses ingénieurs et techniciens dispersés, ses machines et installations vendues à vil prix, elle ne ressucitera plus. Et la reconstitution d’une entreprise similaire sur d’autres bases se révèlera des plus difficiles. Entre-temps, l’entreprise étrangère concurrente aura sans doute acquis une position de monopole dont elle pourra profiter en toute quiétude.
Karl Marx en faveur du libre-échange destructeur
Ce caractère destructeur du libre-échange n’avait pas échappé à Karl Marx. Contrairement aux socialistes « humanistes » de son époque, il estimait que, sans scrupule moral, il convenait paradoxalement ici de faciliter la tâche de la bourgeoisie triomphante, car son rôle unificateur et destructeur préparait l’avènement de la Révolution mondiale. Il était donc résolument pour le libre-échange :
« En général, de nos jours, le système protecteur est conservateur, tandis que le système du libre-échange est destructeur. Il dissout les anciennes nationalités et pousse à l’extrême l’antagonisme entre la bourgeoisie et le prolétariat. En un mot le système de la liberté commerciale hâte la révolution sociale. C’est seulement dans ce sens révolutionnaire, Messieurs, que je vote en faveur du libre-échange. »(Discours sur le libre-échange, 1848)
Pour un protectionnisme intelligent
Nous qui voulons conserver, et non pas détruire, réunir, et non pas opposer, devons approfondir notre réflexion économique. Le commerce international peut être source d’enrichissement, s’il est fondé sur les principes d’équilibre, d’harmonie et de réciprocité, dont l’Etat doit être le garant – et rien de plus. La diversité des activités économiques au sein d’un même pays doit passer avant l’accroissement de la production et l’abaissement des coûts. Si ces principes étaient méconnus, il est à craindre que demain les intérêts des multinationales, les doctrines du mondialisme et les ambitions de certains dirigeants internationaux – tels que ceux de l’Union européenne – ne réalisent l’oeuvre de révolution destructrice à laquelle Marx aspirait. Qu’un certain capitalisme apatride réalise ce que n’ont pu les masses endoctrinées par l’idéologie communiste serait un surprenant paradoxe. L’Histoire en a vu bien d’autres.
schmitt dit
Je le redis encore une fois: redécouvrons notre prix Nobel de Sciences économiques en 1985 le grand Maurice Allais qui avait donné les bonnes » recettes » pour construire une Europe forte qui de plus ne soit pas soumise à la tutelle de nos « très chers amis américains »!!! Lire ses trois ouvrages :mes combats pour l’Europe (deux tomes) et l’Europe en crise. Que faire? Enfin je précise que Maurice Allais avait bien dit que l’Europe devait, non pas se fermer, mais SE PROTEGER des pays à bas salaires. Car il faut arrêter de mentir au sujet du protectionnisme …Les Etats-Unis, la Chine, l’Inde….le pratiquent depuis de longues années!!!!
MARTIN DESMARETZ de MAILLEBOIS dit
Pensez aussi à l’excellent Pascal SALIN de même qu’à l’excellentissime Jacques RUEFF (Le péché monétaire de l’Occident) !
Armand dit
Je souscris totalement a votre raisonnement sauf que nous avons également subit une concurrence déloyale de la part de l’Allemagne a partir du jour de la réunification qui a provoqué une baisse importante du coût du travail. Les fameuses réformes de l’Allemagne ne sont que l’adaptation de son économie à la réunification.
Par ces faits, il ont contribué à l’effondrement des industries Française et Italienne.
Merci pour vos interventions, on a besoin de vous.
Déchaîné dit
Éternel combat franchouillard et champion du monde du nombrilisme (et je n’ai pas encore évoqué les multiples sectes syndicales). Le totalitarisme gauchiotte en permanent défilé de mode, et qui sait innover pour faire le buzz : ronds-points et gilets jaunes cette année. Avec cette incohérence supplémentaire (mais ils ont du stock !) sur notre sol de la Savoie historique, qu’ils savent brandir indifféremment le drapeau français (de l’occupant) et nos couleurs souveraines, exactement comme ceux qui prennent un bon coup de rosé à l’apéro et se finissent au gros rouge pendant le repas. Commandés sur Amazon. Tous ceux-là s’entendent tellement bien à aller voter (démocratiquement !) pour choisir et renouveler leurs prédateurs.
Jacques Delimoges (mon vrai nom, j'assume!) dit
Une fois encore, Bruno Gollnisch voit juste et loin. Sa modération est plus révolutionnaire que l’audace incompétente et bidon (modéré). Je ne suis pas toujours d’accord avec lui, notamment sur l’Europe de Bruxelles dont il exagère les défauts et les torts, mais ai fondamentalement confiance en lui, en son bon sens, en sa solidité. Je lui confierais volontiers une charge de dictateur temporaire à la romaine au niveau européen!
MIKE dit
Merci cher Bruno Gollnish de cette magistrale analyse
Venard Bruno dit
Depuis que le bon sens a été remplacé par le politiquement correct nos hommes (femmes) politiques doivent se méfier de la justice qu’ils ont établie.
MERCI cher Bruno Gollnish de rester fidèle au bon sens français.
Rodolphe dit
La vérité, c’est que ceux qui nous gouvernent ne tirent plus leur richesse de la production nationale, ou bien que marginalement, pour ce que l’on appelle la « façade sociale ». Ce sont des corrompus au trognon qui font sans vergogne commerce de leur carnet d’adresses et de leur poids politique quel qu’il soit, se vendant à qui veut bien payer le montant de leurs honoraires ou pour mieux dire, leur verser leurs « trente pièces d’or » du Judas moderne. Se constituant ainsi des patrimoines aux montants proprement exorbitants, ils n’ont plus du tout à coeur de travailler au mieux-être de leurs concitoyens (des concitoyens dont ils ne se sentent aucunement partie tenante au demeurant, préférant se considérer comme des « citoyens du monde », eux qui souvent buttent sur de l’anglais de collège) et se contentent de vendre la France par appartement. Leurs seuls motifs de préoccupation: sur quel appartement vais-je pouvoir mettre la main ensuite, m’en restera-t-il suffisamment à vendre jusqu’à ma fin de carrière, comment maximiser ce qui reste à brader ?
Il y a une Révolution à faire ou à refaire, c’est selon, une Révolution qui ne s’occupera pas, cette fois-ci, de mettre en place une « table rase » afin de créer une Humanité Nouvelle, mais s’attellera plutôt à nettoyer de fond en combles les écuries d’Augias afin de régénérer notre belle France qui se meurt actuellement de septicémie.
PALARD Patrick dit
Bonjour, pour sortir de cette crise, je ne vois malheureusement qu’une seule solution « 1793-1794 ». Tous le reste a déjà été essayé et ne sera d’aucune utilité. Je suis pourtant d’un naturel pacifiste, mais comme en médecine, quand la tumeur est trop grosse, il faut procéder à une opération chirurgicale…
schmitt dit
Précision: les ouvrages de Maurice Allais sont édités chez Clément Juglar. N’oubliez pas non plus de visiter le site de sa fondation!
MARTIN DESMARETZ de MAILLEBOIS dit
Vous observez des choses justes et traiter ouvertement de deux « tabous ». cependant vous en oubliez deux autres :
1- Le tabou de la LIBERTE des gens de se mettre en retrait voire en retraite dès qu’ils estiment avoir mis suffisamment de côté ? En effet, avoir une maison avec un grand jardin potager et un poulailler convenables assurent le gîte et le couvert enrichi de la chasse en ACCA à proximité si possible pour avoir de temps en temps du gibier à plumes ou à poils. Ne reste plus qu’une petite rente monétaire à avoir pour être heureux ! On obtient tout cela en période active durant 25 ans au moins….
2- Le tabou du DUMPING MONETAIRE. Car c’est sur cet échange monétaire que tout prospère des fautes économiques et managériales de même que les escrocs internationaux. Ce qu’il faut regarder c’est le pouvoir d’achat d’une heure de travail ! Dès que l’on retient ce critère, la mise à niveau est possible comme on l’a souvent proposé au FN avec Jean-Claude MARTINEZ notamment : taxes à l’import pour remises à niveaux des prix intérieurs des produits importés qui en plus remplissent le budget sans permettre la destruction dénoncée.
Voilà ce qui m’est venu et revenu à vous lire. Bien amicalement vôtre et toujours décidé à travailler avec vous ! Je suis quand même l’un des cinq Professeurs d’Economie Politique européen avec quatre Allemands à disposer de toutes les données depuis des décennies.
Cassino dit
Très bonne analyse mais vous oubliez un élément moteur du Capitalisme. L’élément moteur du Capitalisme est de créer le besoin et non d’essayer de le satisfaire. Le commerce international est une bonne chose tant que nous consommons des produits que nous ne pouvons pas produire en France. Ce fut l’objectif des grandes découvertes au 16è siècle pour s’approvisionner en épices. S’il n’y avait pas cet appétit féroce de consommer, alors on pourrait acheter des produits français plus chers, juste ceux dont nous avons besoin. Avec l’épuisement des énergies fossiles, le transport et les échanges internationaux vont diminuer, on reviendra à un peu plus de raison.
François THEOBALD dit
L’Allemagne résiste mieux à la désindustrialisation, parce que les Etats (Länder) qui la constituent; s’ontéressent directement à leurs indstries en investissant (actionnariat). Ce n’est pas toujours facile, ùais les résultats sont là. En France nos régions ne s’occupent que de problèmes mineurs (qualifiés de servoces publics) bref de l’intendance. Les collectivités locales ou régionales qualifient souvent d’investissements des dépenses totalement improductives, comme les réfections de routes, de trottoirs, de subventions aux transports. Quand elles s’intéressent à l’activité économique c’est sous la forme de subventions ou d’aménagements de zones industrielles mais sans aucun contrôle, sans prise de participations pour surveiller ce qui se passe dans les entreprises. Un peu de colbertisme ne ferait pas de mal à nos collectivités ! Nos dirigeants n’en paraissent pas capables.
Viking dit
Bonsoir. Pour compenser le vieillissement de la population Française, il faudrait encourager une politique de natalité destinée aux Français uniquement et dès le premier enfant. Il faudrait même instaurer comme emploi officiel (donc avec cotisation retraite), le rôle de Mère de Famille. Concernant la retraite, il y a de l’argent en milliards. Par contre, le rapport du magistrat pratts sur la fraude, ne fait l’objet d’aucun commentaire public. Ayant presté à la CNAV au département fraude, il est avéré que bon nombre de retraites sont versées (sans contrôle) depuis des années à des étrangers qui ont plus de 100 ans voir 110 ans et qui n’ont pas à fournir de justificatifs comme le font les Français. Enfin, l’objectif de macron est de privatiser les retraites en captant les cotisations pour les mettre sur des fonds de pensions étrangers type BlackRock, qui eux joueront avec nos cotisations. Bref pour moi, cette réforme est du racket en bande organisée