Nous nous en faisions l’écho sur ce site le 1er juillet, nouvel épisode de la lutte que se livre Airbus et Boeing, l’administration américaine et l’ avionneur américain avaient marqué des points contre le consortium franco-européen Airbus en obtenant de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), présidée par le socialiste Pascal Lamy, qu’elle juge illégales certaines aides de Bruxelles accordées pendant 20 ans à Airbus. L’aboutissement d’une plainte américaine déposée en 2004. Réponse du berger à la bergère l’UE avait à son tout saisi l’OMC, déposant plainte contre les subventions publiques dont bénéficie Boeing aux Etats-Unis. L’OMC vient de reconnaître l’évidence, à savoir qu’au même titre qu’Airbus, Boeing aurait bien bénéficié d’aides. Mais l est encore trop tôt pour savoir si elles sont bien « illégales »…
Il est en effet de notoriété publique que Boeing, via notamment sa branche militaire, est fortement subventionné par le gouvernement américain qui manie sans complexe, en fonction des circonstances et quand cela l’arrange, la carte du protectionnisme ou de l’ultra libre échangisme. Malgré les discours de façade sur les bienfaits de l’ultra libre-échangisme et la règle gravée dans le marbre capitalistique du laisser faire, laisser passer , « protectionnisme » et « préférence nationale » ne sont pas des gros mots aux Etats-Unis …
Cette âpre guerre commerciale où tous les coups sont permis, se déroule avec en toile de fonds la compétition actuelle entre Airbus et Boeing pour le gigantesque contrat (35 milliards de dollars) des 179 avions ravitailleurs destinés à l’armée américaine. L’année dernière l’européen EADS et son partenaire américain Northrop Grumman avaient emporté ce marché de 35 milliards de dollars. Les pressions, entraves et autres chausse-trappes s’étaient alors multipliés et après contestation de Boeing, le contrat fut cassé, l’appel d’offres relancé, et Northrop Grumman annonçait son retrait de la compétition, laissant EADS seul pour relever le défi -voir notre article en date du 9 mars.
Dans La Tribune, Gael Vautrin juge sévèrement ce duel entre les deux géants de l’aéronautique. Une rivalité qui à « l’inconvénient d’affaiblir les deux grands rivaux de l’aéronautique au moment où ils devraient hypothétiquement commencer à se serrer les coudes alors que la Chine a l’ambition de créer sa propre industrie et son propre champion. Et quand on connaît le pragmatisme, la réactivité et les moyens financiers de l’Empire du Milieu, il y a fort à croire que leur détermination parviendra à faire voler leur propres avions aussi vite que Boeing et Airbus à définitivement se clouer au sol ».
Certes, mais la solidarité « occidentale » ou « atlantique » à laquelle fait implicitement référence cet article ne se vérifie guère dans le domaine commercial et supposerait que les Etats-Unis souhaitent ménager une industrie aéronautique franco-européenne dont le succès taille des croupières aux groupes américains. La réussite d’Airbus a en effet des répercussions particulièrement importantes sur toute la filière qui emploie dans les secteurs civil, militaire et spatial, 72 000 personnes rien qu’en France.
Ce dynamisme commercial d’Airbus a ainsi l’insigne avantage, et le désagrément majeur pour les Américains, de permettre aux sous-traitants d’Airbus, Snecma, Hispano-Suiza du groupe Safran, Thales, Dassault Systèmes, mais aussi à des PME de premier ordre (les sociétés Aubert & Duva, Imphy, Latécoère, Daher Figeac Aero…) de se maintenir à la pointe de la technologie et de jouer dans la cour des grands…
Et cette « menace » là pour les sociétés américaines, d’ores et déjà effective, reste une priorité pour Washington, dans l’attente d’une (inéluctable ?) montée en puissance de la Chine dans ce domaine…