Le « projet communautaire » évoqué par Jacques Delors –voir notre article précédent- peut il se construire sur l’abaissement du fait national ? Disons-le clairement, l’Europe des patries, de la coopération entre Etats souverains, cette communauté de civilisation qui lie les peuples européens et que défend historiquement le Front National, ne saurait par nature se construire au détriment des patriotismes nationaux. Cette question devra aussi être prise en compte l’année prochaine par nos compatriotes qui se rendront aux urnes pour décider de l’orientation politique de notre pays. La vision de l’Europe des nationaux est en effet la parfaite antithèse de l’idéologie mondialiste des partis dominants qui sévit dans les instances bruxelloises.
Déjà le 12 mars 1991, plus de dix ans avant l’adoption de l’euro, décrivant le processus menant de la coordination des politiques monétaires à l’harmonisation des politiques fiscales et à l’unification des politiques sociales et salariales, Bruno Gollnisch mettait en garde: «Jusqu’où va-t-on aller? N’est-on pas en train de construire une redoutable machine à broyer les souverainetés ? Les souverainetés ne sont pas des notions abstraites méritant simplement d’être défendues pour elles-mêmes. Elles sont l’expression des identités et des libertés des Nations si diverses qui composent l’Europe.»
En attendant, l’actuelle Union européenne ne parvient pas à faire naître au sein des peuples de notre continent un « patriotisme européen », lequel induit la capacité d’accepter de se « sacrifier », notamment financièrement pour aider nos voisins grecs aujourd’hui et demain peut être espagnols, portugais ou italiens…Dans Marianne, Elie Arié note justement que « le patriotisme ne peut découler que du sentiment d’appartenance à un même peuple, qui ne peut se décréter dans des traités élaborés autour d’une table de négociations; on peut le déplorer, mais il n’existe pas aujourd’hui de peuple européen. »
Et ce, au moment ou « le monde est aujourd’hui livré à l’affrontement sans merci d’un petit nombre de grands blocs économiques, chacun tirant ses forces d’un véritable chauvinisme, comme on peut le constater en Chine ou aux Etats-Unis ; et c’est le grand handicap de l’Union Européenneque d’en être dépourvue. Mais pouvait-il en être autrement ? »
En effet, « nous sommes aujourd’hui victimes du projet européen inconsciemment marxiste (ce seraient les infrastructures économiques qui engendreraient les superstructures idéologiques) de Jean Monnet, fondé sur l’idée qu’un sentiment national découlerait automatiquement d’une union économique et monétaire, et qu’il accoucherait inévitablement d’une union politique. »
« Le seul intérêt d’avoir fait ratifier le traité de Lisbonne (par les Parlements, faute d’avoir pu le faire par les peuples) est d’avoir démontré par l’absurde l’inanité des processus de décision politique qu’il avait voulu mettre en place, et qui ne fonctionnent bien que lorsqu’il n’y a rien à décider (…) »
« On imagine mal poursuit-il, la Chine, le Japon ou les Etats-Unis renoncer à leur patriotisme national, comme y sont invités les pays de l’Union Européenne ; et il n’est pas étonnant que les Etats-Unis aient tellement poussé à l’élargissement de l’Union Européenne, y inclus jusqu’à la Turquie, avec pour seul but, dans cette guerre qu’est la mondialisation, de réduire à l’impuissance un adversaire en le disloquant sous prétexte de l’unifier, alors qu’eux-mêmes se gardent bien, dans la zone de libre-échange qu’ils ont constituée avec d’autres pays du continent américain (l’ALENA), de déléguer la moindre parcelle de leur souveraineté politique ou monétaire à une quelconque instance supranationale. »
« La société américaine a été souvent comparée, par ses théoriciens, à une mosaïque qui ne faisait sens que parce que ses différents fragments étaient tenus en place par le ciment qu’était le patriotisme ; en renonçant au sien, la France cessera un jour de faire sens. »
Pour prolonger les réflexions d’Elie Arié, précisons qu’il y a pourtant moyen de concilier un engagement européen sincère mais rejetant le processus actuel tendant vers le fédéralisme, et la préservation de nos intérêts nationaux. Cette alternative fut décrite par Jean-Marie Le Pen: «L’Europe pourrait se construire sur le modèle suisse, Etat confédéral, éminemment respectueux de chaque particularité de ses zones romande, germanique, italienne, romanche, ou encore de chaque canton et même de chaque vallée. »
«Nous choisissons donc l’instrument souple de la confédération, afin de mettre en commun la défense des intérêts géopolitiques et économiques essentiels des Etats d’Europe, tout en respectant leur souveraineté ainsi que la liberté de leurs habitants (…).» Bref, à l’Europe cosmopolite et technocratique, le FN oppose l’Europe des patries, respectueuse des identités et des souverainetés nationales, qui n’a pas il est vrai les faveurs de ceux pour qui l’UE n’est qu’une première étape sur le chemin d’une gouvernance mondiale…
Elie Arié dit
Étonnant, de me trouver cité sur le site de Bruno Gollnisch…Précisons donc que je suis chevènementiste!
Modérateur dit
Dont acte, mais cela n’enlève rien en l’espèce à la justesse de votre analyse. Il est de notoriété publique qu’il existe un certain nombre de convergences entre le FN et les chevénementistes sur les questions européennes. Ce qui rend à notre avis, d’autant plus incohérent, le soutien apporté par M Chevènement à M. Hollande… gollnisch.com