Du bureau politique extraordinaire de l’UMP qui s’est tenu hier soir…rien d’extraordinaire n’est sorti. Le trio Raffarin-Juppé- Fillon est maintenu en place jusqu’au congrès en octobre et devra juste se serrer un peu pour faire une place au copéiste et ex catastrophique ministre de l’Education, Luc Chatel. Certains attendent le retour de Sarkozy comme le messie, le seul capable de « tuer le FN »; d’autres fondent leurs espoirs sur Fillon, le velléitaire Juppé ou sur d’autres sociaux démocrates européistes, mais plus jeunes, les Le Maire, Baroin, Bertrand, NKM…De quoi faire rêver les Français? Dans son éditorial, paru dans les Dernières Nouvelles d’Alsace, Pascal Coquis dresse le constat, cruel mais juste, d’une UMP qui «n’est plus qu’un bateau ivre. Il prend l’eau de toutes parts, il gîte, il tangue, il menace de chavirer à tout instant. Les canots ont déjà été jetés à la mer (…) Au-delà des histoires de clans et de luttes d’ego, au-dessus des ambitions présidentielles déclarées et des petites bassesses du pouvoir, le futur-ex plus grand parti de France est au bord de la faillite… Sans parler des suites judiciaires à attendre après la révélation de l’affaire Bygmalion. Pas sûr alors qu’il y aura assez de gilets de sauvetage pour tout le monde. »
Dans ce contexte ne sort de la bouche des ténors de l’UMP que les appels à une union avec la droite centriste européiste. Et les condamnations rituelles d’une opposition nationale avec laquelle les électeurs de l’UMP partagent pourtant largement les mêmes valeurs, les mêmes préoccupations identitaires et veulent très majoritairement s’allier pour faire barrage au socialo-cosmopolitisme.
Cette faille béante, qui ne cesse de s’élargir, entre l’ élite européiste et son électorat, explique largement le succès remporté par le FN le 25 mai. Michel Barnier, commissaire européen, membre de l’UMP, vice président du très fédéraliste Parti populaire européen (PPE), bruxellois jusqu’au bout des ongles, incarne de manière assez caricaturale cette déconnexion avec la base. Invité de LCI hier et interrogé sur le Front National il n’a pu qu’ânonner que « rien n’a changé (au FN) depuis que Jean-Marie Le Pen a tenté de détruire le Général De Gaulle!».
En, fait de destruction, le RPR puis l’UMP se sont parfaitement chargés de balayer, d’éradiquer, d’éliminer, de trahir dans leur exercice du pouvoir, tout ce que la pensée gaullienne s’inscrivant dans notre tradition nationale, patriotique, barrésienne, pouvait avoir de positive et d’intemporelle. M. Barnier et ses amis le savent parfaitement.
Lucide, intelligent, gaulliste, ami de Chirac mais défenseur souvent inspiré des valeurs de notre civilisation helléno-chrétienne, l’écrivain et journaliste Denis Tillinac ne l’ignore pas non plus. Il affirmait en début de semaine dans Le Figaro qu’ «une droite cool, bobo peut faire monter le FN jusqu’à 40%» (voire plus ?).
« Si la déconfiture du PS ne profite qu’au FN, constate-t-il, si la violence du conflit de légitimité entre Copé et Fillon n’a produit que des sketches de commedia dell’ arte, c’est que l’existence même de l’UMP était sujette à caution. Elle l’est plus que jamais: ce parti cacophonise à fonds perdus parce qu’il prétend fédérer ce qui ne peut pas l’être. On voit poindre le projet d’une droite modérée et d’un centre unis sous une même bannière libérale, européenne, accommodante avec la modernité sociétale et qui idéalement s’étirerait de Juppé à Bayrou en passant par Raffarin, Larcher, NKM, Le Maire, Pécresse, Baroin, Chatel et les orphelins de Borloo.. »
Cette identité de vue libérale-libertaire, euromondialiste, existe plus largement entre une droite et une gauche se partageant alternativement le pouvoir constate Bruno Gollnisch. Une fausse alternance mais une véritable escroquerie qui ne trompe plus les Français, du moins un nombre croissant d’entre eux.
C’est en tout cas le constat du philosophe et homme de gauche Michel Onfray qui n’a pas hésité dans le passé, rappelons-le, à utiliser un discours manichéen, d’une grande violence verbale, plein de poncifs sur le FN. Pour autant, commentant le résultat des élections européennes dans le Nouvel Obs, le citoyen Onfray fait sienne (en partie) nos analyses pour expliquer que « l’ancienne bipartition a fait long feu ». « Jadis Giscard & Mitterrand, Chirac & Mitterrand, Sarkozy & Hollande donnaient l’impression de s’opposer. En fait, l’opposition n’était que de façade, elle ne se manifestait que de façon rhétorique au moment des élections. Une fois parvenus au pouvoir, Giscard se gauchisait, Mitterrand se droitisait, et l’un et l’autre menaient une politique assez semblable ».
« Ces faux frères ennemis s’opposaient. En fait (…), la droite et la gauche gouvernaient au centre, en libéraux qui souscrivaient aux valeurs du marché. Seules les rhétoriques étaient encore de droite et de gauche alors que les pratiques étaient consensuellement en faveur de l’Europe libérale décrétée religion obligatoire par Mitterrand en 1983. (…) Cette Europe a failli. La droite et la gauche de droite se partagent le pouvoir à la faveur de la Constitution de 1958 qui favorise le bipartisme. Ce bipartisme a failli ».
Et Michel Onfray de conclure du scrutin du 25 mai que « Marine le Pen incarne désormais la force politique en regard de laquelle se constituent toutes les stratégies et toutes les tactiques des autres partis. Elle fait déjà la loi… Je suis moins furieux contre elle, qui est un symptôme, que contre tous ceux qui l’ont rendue possible depuis 1983. On ne peut humilier un peuple sans qu’il ait un jour envie de recouvrer sa dignité, même en se trompant sur les moyens (sic).»
« Laisser à Marine Le Pen le monopole de la restitution de la dignité du peuple abîmé par trente années de libéralisme n’est pas une fatalité. Si la gauche en avait envie, rien ne lui serait plus facile : il suffit de vouloir. Mais vouloir n’est plus dans le vocabulaire socialiste depuis longtemps car l’Europe libérale empêche que les nations veuillent autre chose que ce qu’elle veut ».
Si M. Onfray ne se fait guère d’illusions sur les capacités de la gauche à défendre le peuple c’est qu’il a su, comme d’autres décrypter son langage. « Sil y a un art de bien parler, il y aussi un art de bien entendre» (Épictète)…Il pointe ici en effet le caractère unique d’un FN qui lui, affirme Bruno Gollnisch, est animé par une volonté résolue de préserver nos spécificités françaises . Une opposition nationale qui ne se résigne pas à la disparition de la France sous le magma eurofédéraste et mondialiste. Ce sont les dirigeants interchangeables de l’UMPS qui assènent que c’est une fatalité, au nom du sacro-saint et mensonger «sens de l’histoire». Si cette prise de conscience se généralise, et nous nous y employons, le pire peut encore être évité.
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