Il paraît que je serais–que nous serions- de dangereux extrémistes. Le regretté Jean Madiran avait en vain tenté de faire litière de cette accusation infondée. Il faut relire sa brochure: « Extrême droite, Ah non assez ! ».
Nous ne sommes extrémistes, ni dans nos convictions, ni dans nos attitudes, ni dans nos actions, mais ces artifices de langage sont une arme psychologique aux mains de nos adversaires. C’est la fameuse diabolisation, qui prend de moins en moins, fort heureusement, tant les discours dominants sont rattrapés par les faits, qui chaque jour nous donnent un peu plus raison.
De fait, quand j’observe la vie politique et médiatique actuelle, et les réactions aux événements qui s’expriment sur les réseaux sociaux, de quelque bord qu’elles viennent, je me trouve étrangement modéré, moi qui avais toujours fui cette épithète, synonyme de relativisme, d’indécision, de mollesse, de confusion.
Aujourd’hui, il n’y a plus de place pour la nuance. Pourtant, si la vérité est l’adéquation de la pensée avec la réalité : « Veritas, quod est adequatio rei et intellectus » disait si justement Saint-Thomas d’Aquin, et si cette même réalité est complexe, ne faudrait-il pas tenter de l’exprimer également dans tous ses aspects ?
Prenons au hasard quelques exemples, tirés de l’actualité :
Érections municipales
Est-il permis à la fois de condamner sans réserve la diffusion sur les réseaux sociaux de vidéos mettant en scène Benjamin Griveaux, ex-candidat LREM à la Mairie de Paris, dans des postures obscènes faisant des avances grossières et non-équivoques à une femme, mais, pour autant, de considérer comme le dit avec bon sens et très justement la journaliste Judith Waintraub, que « quand on veut que la vie privée reste la vie privée, on se comporte en conséquence » ?
Cette critique, ou cette simple réserve, serait-elle un manque de solidarité inacceptable, ou bien les seuls commentaires autorisés seraient-ils du type de celui de Raphaël Enthoven, de France Culture, qui se livre à cette canonisation (laïque) du martyr : « J’espère ne pas être le seul à qui toute cette histoire rend Benjamin Griveaux infiniment sympathique. Quand la curiosité pour le contenu d’une video l’emporte sur le mépris pour les fourbes qui la diffusent, la liberté meurt sous des rires gras. Force à lui » (sic). Ou, plus sobrement, du type de celle du député LR Julien Aubert, qui déclare que cette affaire « marque une nouvelle étape dans l’américanisation de la vie politique » et que « détruire un individu et sa famille pour l’empêcher de gagner, c’est ignoble. Sa vie privée ne regarde que lui. »
Il semble donc aujourd’hui que le puritanisme américain soit présenté comme le dernier degré de l’abomination. On regrette que les commentateurs n’aient pas eu la même réserve lorsqu’il s’est agi d’exploiter d’anciens propos grivois attribués à Donald Trump et tenus en privé. Et, somme toute, est-il à ce point absurde de penser que, si un homme trompe sa femme, on peut également le suspecter d’avoir peu de scrupules à tromper ses électeurs ?
La morale nuancée de cette histoire, si l’on peut parler de morale, c’est que, d’une part, on devrait expulser les « réfugiés politiques » incendiaires (le Russe Piotr Pavlenski, réfugié politique, diffuseur de la video, condamné pour avoir incendié une façade de la Banque de France), et, en même temps, qu’un responsable politique doit savoir aujourd’hui qu’il n’a pas de vie privée, et qu’en outre, s’il prétend, comme c’était le cas en l’espèce, défendre les valeurs familiales, il vaut mieux qu’il mette ses actes en conformité avec ses propos.
Être « Charlie »… ou pas
Autre sujet : a-t-on le droit de considérer comme criminel, abominable, l’assassinat des journalistes de Charlie Hebdo, et cependant en même temps de n’exprimer, comme c’est mon cas, aucune sympathie pour ce magazine perpétuellement contempteur de toutes les valeurs auquel je crois ? En un mot comme en cent, a-t-on le droit de ne pas être Charlie, tout en condamnant l’assassinat ? Là encore, dans notre société médiatique, il semble que non.
Pour rester dans le sujet de la prétendue « islamophobie », a-t-on le droit de prendre la défense de la jeune Mila, de s’indigner que sa sécurité soit mise en péril, d’exiger qu’elle puisse être scolarisée dans des conditions normales, de s’étonner à ce sujet de la passivité des organisations féministes, sans nécessairement approuver ses propos, même s’il on est, comme je le suis, un adversaire résolu de l’islamisme ? La critique de l’islamisme, et mêmes de la religion musulmane tout court, mérite mieux selon moi que des paroles à l’emporte-pièce, inutilement injurieuses. Si l’on veut s’y livrer, mieux vaut le faire avec des arguments sérieux, comme mon ami Bernard Antony ou M. l’abbé Pagès1.
Homophobie ; Homomanie
Pareillement, peut-on condamner sans réserve les violences ou les insultes contre la personne des homosexuels, et cependant ne pas se croire obligé de faire l’apologie de l’homosexualité, voire même être à cet égard réservé ou critique ? C’est ce que fit, dans des termes qui n’avaient rien d’injurieux, le député UMP Vanneste, à qui cela valut condamnation par le tribunal puis par la cour de d’appel de Douai, avant qu’il ne bénéficie enfin en Cour de cassation d’une éclatante cassation sans renvoi, pour la honte des magistrats de première instance et d’appel qui l’avaient censuré bien au-delà de l’inepte loi Perben ? Et a-t-on encore le droit de dire, sans être taxé d’homophobie, que puisque les homosexuels, dans l’exercice de leur liberté personnelle, ont une vie qui exclut normalement la procréation, ils ne sauraient se réclamer de je ne sais quel « droit à l’enfant » ?
Histoire
Pareillement, a-t-on le droit, sans exprimer aucune sympathie pour les deux totalitarismes qui ont embrasé le XXe siècle : le communisme et le national- socialisme, de demander néanmoins en même temps que la recherche historique sur cette époque soit enfin libre et dégagée des carcans liberticides tels que la loi communiste Gayssot ? Peut-on ne pas tenir pour parole d’évangile les vérités historiques assénées depuis 1945 par les vainqueurs de la deuxième guerre mondiale, parmi lesquels le procureur des procès stalinien, qui mit notamment sur le compte des Allemands, dont le bilan était assez chargé comme cela, l’assassinat à Katyn de 11 000 officiers polonais, dont il est aujourd’hui confirmé qu’il était le fait des Soviétiques ? Peut-on encore dire cela sans être taxé de négationnisme, persécuté professionnellement, traîné devant les tribunaux, à l’initiative de toutes les autorités judiciaires et administratives, telles l’ex- recteur Morvan, de l’académie de Lyon ? Il semble que non, et j’ai payé pour le savoir…
Censure ou liberté
Notre époque n’admet plus aucune de ces nuances. Elle exige que l’on prenne parti radicalement, dans un sens ou dans l’autre, et ceci dans les limites des trois ou quatre phrases qui sont le maximum de ce que l’on peut dicter sur Twitter. Ceux qui ne pensent pas comme vous s’autoriseront à vous répondre, de préférence en vous injuriant, comme ils n’auraient jamais osé le faire, malgré leur manque d’éducation, dans un dialogue normal et face-à-face.
Pour autant, les excès de cette liberté valent mieux que ceux de la censure, et l’on voit bien à quel point les médias institutionnels enragent de voir la communication leur échapper, à travers par exemple les commentaires du journaliste Alain Duhamel, contre lequel je ne nourris aucune animosité personnelle, mais qui s’est constamment trompé, du moins sur notre famille d’esprit, et aussi sur quelques autres sujets d’importance…
Alors, encore un effort : un peu de bon goût français, un minimum de correction et de courtoisie, quelques nuances dans l’expression ne feront jamais de mal à l’exactitude de la pensée, ni à la fermeté des convictions que nous devons conserver, et moins encore à l’optimisme qu’il est parfois difficile de garder en observant toute cette déliquescence.
1 Voir par exemple : Bernard ANTONY, L’Islam sans complaisance, éd. Godefoy de Bouillon ; Abbé Guy PAGÈS, Interroger l’Islam – 1235 Questions à poser aux Musulmans ! DMM (Dominique Martin Morin éd.)
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