Marine Le Pen était hier soir l’invitée du JT de TF1, occasion de confirmer, ce dont nous ne doutions pas malgré la rumeur médiatique, à savoir qu’elle serait bien candidate dans le bassin minier, à Hénin-Beaumont, aux élections législatives. «Après les législatives, a-t-elle dit, nous allons nous engager dans la modernisation du mouvement. Il y aura de vraies réflexions de fond: comment mettre en forme ce mouvement pour qu’il puisse accueillir potentiellement les onze millions de Français qui se sont portés sur ma candidature? ». Affirmant avoir « bien conscience que le sujet de l’euro a inquiété considérablement les Français, de manière presque irrationnelle », Marine a indiqué que « nous allons devoir en tenir compte, discuter, réfléchir », notamment à l »occasion du Congrès du FN (en février prochain) , moment de respiration démocratique où chacun pourra s’exprimer. La présidente du Front a aussi estimé qu’elle avait « incontestablement» « raté » le débat télévisé d’entre deux tours: « J’ai souhaité mettre en avant les très grandes craintes que je nourrissais à l’égard d’Emmanuel Macron. Je l’ai fait avec fougue, passion, peut-être trop de fougue, trop de passion, certains n’attendaient pas cela, dont acte ». « Mais cette fougue et cette passion seront nécessaires pour mener le combat à l’Assemblée nationale, pour protéger les Français de la dérégulation qu’Emmanuel Macron va mettre en œuvre dès cet été par ordonnances, de l’immigration massive, de la prise en main par des intérêts privés au détriment de l’intérêt national ». Dans ce combat, a-t-elle encore précisé, il faudrait idéalement que le FN puisse être « rejoint par cette partie des Républicains qui refuse d’être dans la connivence avec Emmanuel Macron, qui refuse de soutenir une politique immigrationniste, de soumission à l’Allemagne d’Angela Merkel, d’ultrafédéralisme européen ».
C’est bien en effet LA question qui nous concerne au premier chef, celle de la poursuite de la feuille de route euromondialiste annoncée d’ailleurs assez clairement par le candidat Macron. Certes avec beaucoup d’habileté et intelligence, le nouveau chef de l’Etat a compris ce besoin des Français, dans un monde de plus en plus instable où repères et frontières s’effacent, de voir la manifestation du pouvoir s’inscrire dans une longue filiation –la France n’est pas née en 1789-, de revenir à une certaine verticalité selon le mot à la mode dans les commentaires médiatiques dernièrement. Bref, à l’esprit de la Cinquième république voulue par De Gaulle, se réclamant de notre héritage monarchique.
A cette aune la cérémonie d’investiture du nouveau président qui a rappelé notamment l’influence exercée par lui par le philosophe (maréchaliste) Paul Ricoeur, n’était pas exempte d’une certaine solennité et gravité de bon ton, en rupture avec les deux quinquennats précédents et ses frasques vulgaires. Le constat vaut aussi et ô combien pour François Hollande, François Bousquet notait que la vraie rupture sarkozyste avait consisté en la « désacralisation du pouvoir.» « Des deux dimensions de la politique, la sacrée et la profane, Sarkozy a écarté d’emblée la première. C’est son crime de lèse majesté. Plus rien en lui ne relève de l’éminence monarchique. Dans Les deux corps du Roi, l’historien Ernst Kantorowicz avait montré en quoi le monarque médiéval possédait un double corps : le corps naturel, mortel, et le corps surnaturel, celui qui incarne le principe dynastique et ne meurt pas. Sarkozy a mis fin à tout cela…».
Mais au delà des apparences, les monarques et leurs successeurs qui ont fait la France note Bruno Gollnisch, ne confiaient pas nos pouvoirs régaliens à des entités supranationales, n’abandonnaient pas notre souveraineté entre des mains étrangères, n’encourageaient pas sciemment la disparition-dilution de notre peuple.
Quant à la composition de ce nouveau gouvernement (18 ministres, quatre secrétaires d’Etat en partie issus de la société civile, dont 4 LR, 3 PS, 2 MoDem et 2 PRG) , et sans préjuger de la bonne volonté, de l’honnêteté de ses membres, elle ne marque pas, nous l’avons dit, un coup d’arrêt salutaire avec les politiques mortifères suivies ces dernières décennies.
L’essayiste Paul-François Paoli le constate sur le site atlantico, « Emmanuel Macron a gagné la bataille rhétorique, tout en étant en train de vider l’opposition de sa raison d’être. Il a réussi à imposer son lexique, sa lecture qui est simple : le monde en divisé en deux, entre celui des progressistes et des conservateurs (les électeurs de François Fillon essentiellement) ; il y en a éventuellement un troisième, celui des archaïques et autres déviants, c’est-à-dire ceux qui ont voté Jean-Luc Mélenchon ou Marine Le Pen. Tout le monde veut être progressiste.»
«Il a ainsi réussi poursuit-il, son coup de force sémantique, ce qui fait que, désormais chez LR, vous avez des personnalités comme Nathalie Kosciusko-Morizet qui souhaitent être progressistes. Les progressistes, ce sont ceux qui souhaitent suivre les impulsions de la société civile. Emmanuel Macron a raison de dire que le clivage droite/gauche n’existe plus : il n’y a pas beaucoup de différences entre Bruno Le Maire et Emmanuel Macron, du moment qu’ils sont d’accord sur l’essentiel, qui consiste à suivre le cours des choses dans un certain nombre de domaines (la liberté économique, la liberté des mœurs, etc.). Dans ces conditions, la droite risque fortement d’être phagocytée : toute une partie de la droite et du centre va être attirée par Emmanuel Macron, et pas seulement pour des raisons personnelles. À ce propos, je pense qu‘Edouard Philippe, notre nouveau Premier ministre, est tout à fait sincère dans sa démarche. Sur l’essentiel, il y a très peu de différences entre Alain Juppé et Emmanuel Macron.»
Le député LR Jacques Myard (gaulliste canal historique) s’est pour sa part offusqué sur facebook de ce que Sylvie Goulard , qui fut « conseiller politique » de Romano Prodi, le président de la Commission européenne, et présidente du « Mouvement européen-France » ait été nommée à la tête de notre Défense. Or affirme-t-il « Sylvie Goulard me confiait dans notre parcours commun au ministère des Affaires étrangères Je ne me sens pas française et c’est cette personne qui est placée au ministère de la Défense rebaptisé ministère des Armées, ça promet ! ».
Il n’est guère plus tendre avec François Bayrou aujourd’hui ministre de la Justice, évoquant son très médiocre bilan , son immobilisme dramatique quand il fut ministre de l’Education (1993-1997). D’autres se sont chargés de rappeler que si M. Bayrou, drapé dans le costume du chevalier blanc, attaqua très durement lors de la campagne les costumes à 40 000 euros offerts par M. Bourgi à François Fillon, il tenta lui même de se faire rembourser au titre de ses frais de campagne en 2002, 37 000 euros d’habillement…
Nous nous souvenons aussi qu’Emmanuel Macron avait attaqué Marine au cours du débat de l’entre eux tours sur le fait que la présidente du FN écartait certains journalistes qui manifestaient une hostilité militante trop ostensible à son égard. Pourtant, il se voit aujourd’ hui soupçonné de vouloir contrôler la presse.
Sophie Coignard s’en offusque dans Le Point, « le souhait manifesté par l’Élysée de choisir les journalistes conviés (dans les déplacements officiels, NDLR) – pour, entre autres, privilégier ceux qui sont spécialisés dans tel ou tel domaine au gré des événements – est apparu pour ce qu’il est : une petite bombe difficile à désamorcer. Cela ne s’est jamais vu, même du temps du général De Gaulle, où les réseaux sociaux n’existaient pas et où le ministre de l’Information pouvait sonner, au sens propre du terme, les responsables de l’information de l’ORTF. Dans n’importe quelle autre démocratie, un tel coup de canif à la liberté d’informer provoquerait un tollé. Donald Trump lui-même, peu avare de provocations envers les médias, ne s’est jamais hasardé à les soumettre à un tri sélectif ».
Dans ce domaine en tout cas, M. Macron a un net avantage sur M. Trump. Mme Coignard et ses collègues le savent pertinemment, même si ils ne le disent pas (ou peu) , le président Français a eu lui, contrairement au président américain, le soutien depuis le lancement d‘En Marche! de 99% des médias. Ce sont ses amis, ceux qui partagent la même vision du monde, les mêmes intérêts, qui les contrôlent et les financent. La liberté des journalistes, milieu déjà d’une grande homogénéité idéologique, est sérieusement obérée par la nature même de leurs employeurs. Le tri sélectif progressiste, là aussi, est en marche depuis fort longtemps, a commencé bien en amont.
Laisser un commentaire