Philosophe médiatique s’il en est depuis son « Traité d’athéologie » en 2005 (300 000 exemplaires vendus), connu pour ses positions politiques d’extrême gauche (soutien hier à Besancenot, aujourd’hui à Mélanchon), Michel Onfray qui se définit comme un « libertaire » a su trouver sa place dans le microcosme. Son dernier livre, consacré à Sigismund Schlomo Freud, alias Sigmund Freud (1856-1939), « Le Crépuscule d’une idole. L’affabulation freudienne », profite pleinement de la polémique qu’il suscite. D’ores et déjà gros succès de librairie, il vaut à M. Onfray d’être attaqué avec beaucoup de virulence par la caste des psychanalystes qui conteste les conclusions de son ouvrage. Mais aussi sur le terrain (méta)politique, pour ne citer qu’eux, par l’incontournable Bernard-Henry Lévy ou encore l’inénarrable psychanalyste lacanienne Elisabeth Roudinesco –qui attaqua tout aussi violemment il y a quelques années « Mensonges freudiens », l’ouvrage de M. Bénesteau, membre du Club de l’Horloge. Les gardiens de la secte freudienne mettent en exergue le crypto-fascisme et l’antisémitisme qui seraient inhérents aux critiques du freudisme et dans lesquels M. Onfray se serait fourvoyé. Ce que ce dernier nie bien sûr vigoureusement, comme il l’a répété sur France 2 samedi soir, invité de l’émission « On est pas couché » animé par laurent Ruquier.
A dire vrai, la critique des prétentions scientifiques du freudisme n’est pas nouvelle et on se souvient encore de la manière dont Jean-Marie Le Pen avait mouché sur un plateau de télévision, voici quelques années, le très anti-frontiste psychanalyste Gérard Miller, le renvoyant impeccablement dans ses buts, lui et sa « pseudo-science ». Mais cette critique restait cantonnée à la marge et diffusée par des auteurs « spécialisés », peu lus ou ghettoïsés car accusés de connivences ou de sympathies intellectuelles pour « l’extrême droite ». Avec un « gros vendeur » comme le camarade Onfray, il devient désormais difficile de cacher la poussière sous le tapis, d’où le tir de barrage pour sauvegarder la poule aux œufs d’or…
Pour se livrer à son enquête fouillée sur le cas du cher Sigmund, le philosophe s’est inspiré, entre autres ouvrages, du « Livre noir de la psychanalyse », ouvrage collectif paru en 2005, qui expliquait notamment que l’affirmation freudienne selon laquelle seule la psychanalyse s’attaque aux causes de la névrose est « un argument publicitaire très puissant, efficace de surcroît pour justifier le coût et la longueur interminable des traitements analytiques ». Le prix de la « confession » n’est pas donné en effet… Au nombre des études sur le sujet citées favorablement par Michel Onfray , figure aussi, horresco referens, celle du professeur Debray-Ritzen, « La scolastique freudienne » paru en 1972, ouvrage forcément nul et non avenu selon le lobby de la psychanalyse et de ses amis puisque son auteur fut proche de la « Nouvelle droite ».
Comme le notait Alain de Benoist dans sa recension de l’ouvrage de Debray-Ritzen dans « Vu de droite » (1977), si les prémices de la « psychologie des profondeurs » remontent à l’antiquité grecque et romaine, « La scolastique freudienne » démontre implacablement que le freudisme, n’est qu’une « pensée magique », « fonctionnant par postulats et affirmations n’ayant pas reçu de vérifications scientifiques », que « le taux de guérison obtenu par la psychanalyse ne dépasse pas celui des autres méthodes de traitement, et n’est même pas supérieur à celui des rémissions obtenus spontanément ». « La psychanalyse n’a jamais guéri aucune psychose, adulte ou infantile, aucune toxicomanie, aucune personnalité psychopathique, aucun délire chronique, aucune psychose maniaco-dépressive etc. ».
D’autres auteurs dans leurs essais consacrés au freudisme ont noté qu’à l’exception de Carl Gustav Jung qui se sépara de lui, l’immense majorité des disciples du gourou Freud étaient juifs, mettant en exergue les liens entre la pensée talmudique et la démarche psychanalytique, comme le Docteur Percival Bailey, dans « Sigmund le Tourmenté » (1972) qui voyait en Freud « un rabbin laïc », « dont l’attitude à propos du sexe est celle de la kabbale ».
Une grille de lecture qui est également celle de Manès Sperber pour qui le freudisme est « la mise en psychologie de l’Ancien testament » (« Le talon d’Achille » , 1957) ou encore du professeur David Bakan dans « Freud et la tradition mystique juive » (1964) qui estimait que « le mouvement sabbatéen » (mouvement sectaire et hétérodoxe du judaïsme), les méthodes des kabbalistes ont pu inspirer la démarche psychanalytique. David Bakan soulignait à ce titre que « la méthode freudienne de l’interprétation des rêves » qui consiste à extraire chaque élément de son contexte, « correspond aussi exactement à la recherche des sens cachées ou plus profonds de la thora ».
Citant Kafka, Marthe Robert dans son livre « d’Œdipe à Moïse » (1974) rapporte que « l’œuvre de Freud est plutôt un chapitre de l’histoire juive écrit par la génération actuelle, en quelque sorte le dernier en date des commentaires du Talmud, et en cela réside toute l’extension dont elle est susceptible ».
Enfin, il existe une facette de la pensée et du personnage de Sigmund Freud, co-fondateur de la loge du B’ N’aï B’rith de Vienne, dont il semble aujourd’hui interdit de parler. Outre son sentiment de solidarité vis-à-vis du peuple juif –somme toute bien légitime et naturel- même s’il s’était détaché de la religion, Marthe Robert soulignait son mélange de fascination et de répulsion pour les hauts lieus de la culture européenne, le fait que « Freud détestait le christianisme bien avant d’avoir inventé la psychanalyse. Il le détesta après en tant que juif ayant eu à souffrir de son pouvoir d’oppression ». Pas gentil Freud…
Sur le plateau de France 2 samedi soir, M. Onfray n’a pas oublié ses réflexes de militant d’extrême-gauche. Pour justifier ( ?) son portrait à charge d’un Freud névrosé, très mauvais médecin, effroyable père et mari, menteur, escroc et charlatan intellectuel, il ne manquait que la touche finale, à savoir son penchant pour le Mal absolu. Pour preuve, le philosophe rapporte ainsi que Freud eu des « sympathies pour le fascisme » (sic) révélées par la dédicace d’un de ses ouvrages à Benito Mussolini.
Si Eric Zemmour a tenté de replacer cette « attirance » dans une perspective historique, celle de l’Autriche du chancelier Dollfuss, d’avant l’anschluss, le citoyen Onfray très en vogue à France Culture, préfère ignorer que le Duce eut beaucoup d’amis et de collaborateurs juifs -sans même parler de sa liaison avec Margherita Sarfati pendant 20 ans, laquelle fut un des grandes inspiratrices culturelles du fascisme. Les liens étroits entre milieux sionistes et fascistes, du moins jusqu’en 1937, ont été fort bien analysés par l’historien Pierre Milza dans son livre « Mussolini ». Il souligne notamment que le Duce reçut plusieurs fois le futur président d’Israël, Chaïm Weizmann. Mais ceci est une autre histoire…
[…] […]