Invité dimanche du « Grand-Rendez vous » Europe 1-CNews- Les Echos, le ministre de l’Economie Bruno Lemaire a rappelé qu’il était hors de question de rétablir l’ISF, mais que le gouvernement privilégiait la piste d’un matraquage des classes moyennes qualifiées de «supérieures». Ainsi, l’exécutif renoncerait finalement à la suppression de la taxe d’habitation pour les 20 % des ménages dits les plus aisés, prévue initialement pour 2021. Une mesure imaginée pour calmer la colère des Gilets Jaunes, lesquels seraient sensibles si on l’en croit nos dirigeants, à ce genre de tour de passe-passe démagogique consistant à toujours taper sur les mêmes. Ils n’ont décidemment rien compris. Le 4 janvier, Ingrid Feuerstein soulignait dans Les Echos qu’ «en décembre, le chef du groupe LREM à l’Assemblée (le super finaud et intelligent) Gilles Le Gendre affirmait qu’à l’exception de l’ISF, tout le reste peut être sur la table : impôt sur le patrimoine via les successions, ou impôt sur le revenu ». Propos qui ont éveillé l’inquiétude des classes moyennes, au sein desquels M. Macron dispose encore d’un socle électoral, certes bien fragilisé. Ce qui a conduit «le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, lors de son compte-rendu du Conseil des ministres» a essayé de rassurer: « Aujourd’hui il n’y a pas de réflexion en cours sur une modification des droits de succession, sur la fiscalité appliquée aux droits de succession ». Pourtant, précise justement cet article, «présentée comme telle, la réforme des droits de succession pourrait être compatible avec l’ADN macroniste. Stanislas Guérini (…) désormais patron du parti, y est ouvertement favorable. Dans une interview qui avait fait date, Emmanuel Macron avait exposé au printemps 2016 sa vision de la fiscalité du capital , à une époque où il n’était encore que ministre de l’Economie. Si on a une préférence pour le risque face à la rente, ce qui est mon cas, il faut préférer par exemple la taxation sur la succession aux impôts de type ISF.» Or, «si le consentement à l’impôt est fragile en France, il l’est particulièrement concernant les droits de succession , où l’on touche à l’accumulation d’une vie de travail. Une étude récente du Crédoc montre que 87 % des Français souhaitent une diminution de ces droits. Seule une petite minorité (9 %) considère que l’héritage entretient les inégalités de patrimoine.» Ce sont là deux visions du monde, de la société qui s’affrontent. Celles d’un côté des Français, peuple de terriens, attachés à ses racines, soucieux de transmettre les biens qui ont parfois traversé les générations, voire les siècles, ancrés dans une histoire, un terroir, et de l’autre les défenseurs macronistes d’un capital hors-sol, liquide, nomade qui a philosophiquement et politiquement leur préférence.
France d’en bas et France d’en haut dont l’affrontement exacerbé par le jusqu’auboutisme, l’arrogance, les maladresses du régime est illustré de manière très symbolique par les fonds récoltés via une cagnotte Leetchi par le boxeur Christophe Dettinger, qui avait frappé des policiers le 5 janvier dernier lors d’une manif des Gilets jaunes, lequel s’est finalement rendu à la police. Lancée lundi pour ses futurs frais de justice, « soutenir sa famille et lui montrer la solidarité des gilets jaunes, du vrai peuple français», ladite cagnotte atteignait ce matin , à l’heure où nous écrivons ces lignes, 117.000 euros. Policiers, CRS et gendarmes qui eux, n’ont pas droit au soutien chaleureux de leur hiérarchie. Ils sont pourtant confrontés quotidiennement à la montée en puissance des violences, à l’ensauvagement, à la tiers-mondisation de la société dont les politiciens qui leur demandent aujourd’hui de gazer et matraquer des GJ qui leur ressemblent sont les premiers responsables, par idéologie et du fait de leurs lâchetés.
Hier soir, invité du JT de TF1, Edouard Philippe a pris la posture du bourgeois orléaniste qui tente de se relégitimer en agitant la menace insurrectionnelle, a endossé le costume du politicien garant du parti de l’ordre euromondialiste. Certes, il n’ a pas évoqué cette nuit de la Saint-Sylvestre au cours de laquelle plus d’un millier de véhicules ont été brûlés par des jeunes. Non, il s’est voulu martial pour assurer que les « auteurs d’actes de violences n’aur(aient) jamais le dernier mot». Dans les beaux quartiers des centre-villes nous pouvons le croire, mais dans les campagnes objet des razzias de bandes de malfaiteurs, dans les banlieues plurielles, les centaines de zones de non droit livrés à la loi des racailles, aux trafics, aux barbus, c’est une autre histoire.
Nous savons que cet Etat impuissant et veule achète un semblant de paix civile et sociale en refusant de porter vraiment le fer dans la plaie, d’en finir vraiment avec les trafics, l’économie parrallèle qui font vivre les cités… .
Nous connaissons les consignes données aux policiers d’agir seulement à la marge, mais de ne surtout pas provoquer les jeunes, d’éviter à tout prix la bavure qui pourrait mettre le feu au poudre. Il est tellement plus facile, encore une fois, de bomber le torse face aux Gaulois! Alors, notre Premier ministre républicain a égréné ses mesures sécuritaires, approuvées, mais jugées insuffisantes par Laurent Wauquiez (qui milite pour le retour de l‘état d’urgence!) : annonce d’une loi durcissant les sanctions contre les «casseurs», création d’un fichier spécial visant à leur interdire l’accès aux manifestations, retour des blindés dans Paris, déploiement de 80 000 policiers pour l’Acte IX des GJ. Vous avez bien lu: 80 000 policiers pour contenir 50 000 manifestants en cas de mobilisation similaire à celle de samedi dernier…du moins si l’on croit les chiffres du bluffeur et jouer de poker-menteur Christophe Castaner.
Le ministre de l’Intérieur a par ailleurs dénoncé sur twitter «une ultra-violence qui dévoie la liberté de manifester et souille notre pacte républicain.» Pacte républicain qui consisterait aussi à ne pas souiller la démocratie en écoutant les doléances du peuple. Or, il est curieux, et à vrai dire cela créé même un certain malaise, de voir à quel point les éléments de langage utilisés par ce gouvernement pour diaboliser les Gilets Jaunes sont la décalque de la prose du mari d‘Arielle Domsbale (Arielle c’est du lourd). Bernard-Henry Lévy a vu ainsi dans les débordements (bien évidemment condamnables) de l’Acte VIII de la mobilisation, non pas la peste brune évoquée par Gérald Darmanin dernièrement , mais «une Nuit des petits couteaux visant le personnel d’un Ministère. Ces Gilets Jaunes-ci devraient revêtir une Cagoule, les choses seraient plus claires. Encore que, même dans les années 30, je ne vois pas de précédent à cette attaque factieuse contre une Maison de la République.»
Sur le blogue de BHL, La Régle du Jeu, un de ses contributeurs réguliers Laurent David Samama résumait assez bien le jugement de la caste sur le bas peuple en gilet: « France White Trash», «beaufitude désolante», «pancartes et mots d’ordres dégueulasses», «gloubi-boulga incohérent de leurs doléances», «curieuse euphorie destructrice et gueularde», «fièvre populiste d’une foule minoritaire (qui) n’a rien à voir avec l’objectif progressiste» (sic) , «des terriens enracinés jusqu’à l’absurde (sic) , abreuvés de fake news et enclins à l’emploi de solutions radicales…»
Le problème à notre avis, c’est que BHL, ses clones (et ceux hélas qui s’en inspirent au sommet de l’Etat) ne sont pas pas en phase, sont incapables de comprendre le ressenti, les attentes, les aspirations du pays profond. Dans une allocution prononcée devant la convention nationale du Crif le 18 novembre dernier , autant dire avant que le mouvement rentre dans le dur, Bernard-Henry Lévy prenait d’ores et déjà au sérieux, accordons lui ce mérite que n’ont pas eu d’autres «intellectuels» ou politiciens du sérail , cette mobilisation des GJ. Un «agrégat de revendications, chacun sa colère et, pourtant, tous ensemble», notait-il, « un groupe en fusion», «le groupe par excellence», «un acteur politique majeur et à part entière et son apparition est, presque toujours, le commencement d’un Événement avec majuscule et de longue portée.»
«Ce mouvement disait-il, est aussi, à l’évidence, un appel de détresse .Avant de s’intéresser au fait que les Le Pen et Mélenchon y voient une divine surprise, avant de se demander quelle est la proportion de ces protestataires et laissés-pour-compte qui ont voté, ou qui voteront, pour les deux partis de la France populiste, il faut dire ceci. Les Gilets jaunes sont des accidentés de la mondialisation.Et cet appel au secours, ce SOS, il faut impérativement, je dis bien impérativement, et, quelles que soient, encore une fois, les récupérations dont il sera ou est déjà l’objet, l’entendre et le recevoir.C’est le devoir du pouvoir politique et, d’une manière générale, de ceux que l’on appelle les élites, ou les nantis…».
Mais, poursuivait-il, « Il y a la colère qui élève et il y a la colère qui abaisse.Il y a la colère qui fait que l’on se veut et se sent plus solidaire, plus fraternel, ouvert aux autres – et il y a celle qui vous enferme en vous-même. » Basse colère vous l’aurez compris, qui serait donc celle des GJ car «il arrive au peuple de s’égarer et qu’il convient, dans ce cas, de le sanctionner comme on le ferait pour n’importe quel autre souverain. Mais aussi parce que la démocratie, c’est bien d’autres choses que le seul respect de la voix du peuple majoritairement exprimée. » Voix du peuple majoritaire qui aujourd’hui n’est plus entendue par la minorité au pouvoir ajouterons nous, et c’est bien là, constate Bruno Gollnisch, le noeud du probléme au sein de notre démocratie confisquée! Comment ne pas le voir?
« Quand on crie à l’Élysée ! ou Macron démission ! poursuit BHL, quand on prétend forcer les grilles du Palais où est censé se situer le lieu de tous les pouvoirs, je crois qu’on joue avec le feu – celui de la mémoire et celui de la langue.La France en est là. Ce mouvement des Gilets jaunes peut, naturellement, bien tourner et contribuer à cette réinvention de la politique et de la citoyenneté dont nous avons si cruellement besoin.Mais il pourrait aussi contribuer au repli de la France sur elle-même, au renoncement à sa propre grandeur et à un endormissement des intelligences qui, le plus souvent, enfante des monstres.» Et l’auteur de L’idéologie française illustre son propos sur l’évocation d’un monstre disparu, l’écrivain Drieu La Rochelle commentant en tant que témoin direct la journée d’émeute du 6 février 34…La boucle est bouclée.
Bref , BHL, résume bien par sa prose les inquiétudes, les cripsations, la vision (volontairement?) biaisée des événements qui est celle de l’oligarchie qui a pris le contrôle de notre pays et auquel le peuple à l’audace de rappeler qu’il existe encore et qu’il espére un autre avenir que celui auquel il est assigné par les élites euromondialistes. C’est en fait très simple à comprendre et la réponse à ce besoin vital de renouveau démocratique n’est certainement pas dans la mobilisation supplémentaire de CRS ou par la mise sur le tapis d’une énième loi anti casseurs.
Ivernazza dit
Tant de lignes pour le Bazar de l’Hôtel Lévy, ce mètre-à-penser; l’Homme (ecce homo) du Serment de Koufouré… c’est beaucoup d’importance accordée à une inexistence.
Modérateur dit
Inexistence tout de même très…médiatiquement présente et dont la prose nourrit la « pensée » d’une large partie de nos « élites »… » null Piscis primum a capite foetet… » Bien cordialement, gollnisch.com
Arnaud de Vendeuvre dit
Cher Monsieur,
ce Lévy dont vous dites qu´il est clairvoyant n´est-il pas le même que celui qui a applaudi aux bombardements de la Serbie par l´OTAN et la France?
ne serait-il pas celui qui a applaudi à la création du Kosovo ,une province serbe, transformée par la force en état indépendant au détriment de ses habitants, un peu comme Israel en Palestine?si c´est bien cette personne on peut ,sans risque d´erreur, affirmer, que c´est un piêtre observateur de notre monde car il n´a applaudi qu´à des catastrophes humanitaires, des Nakba en quelque sorte.
Salutations.
Modérateur dit
Oui, vous dites vrai, BHL se trompe ou déforme la réalité la quasi totalité du temps, mais vous extrapolez nos propos, nous ne disons pas qu’il est « clairvoyant »,tout juste ici qu’il a été brièvement un peu moins aveugle que d’habitude…Merci de votre courriel, bien cordialement, gollnisch.com
Ivernazza dit
Réponse — impertinente (?) — aux arguments pertinents du cher modérateur.
Merci d’avoir saisi la perche.
C’est en effet le propre de la micro-culture à quoi nous sommes désormais réduits: tout cuistre peut résonner librement sur les perchoirs avec les porte-voix qu’il faut complaisamment fournis par les gras media serviles. Le sionosphe herzien précédemment évoqué ne fait que confirmer la règle.
« La prose »… ce petit monsieur Jourdain (Molière avait délicieusement choisi le patronyme de son parvenu) sait-il seulement qu’il en excrète?
lansquenet dit
GJ, une tribu parmi d’autres… les boubous, les bobos, les barbus, les babouches, les bleus-marines… c’est l’espèce homo festivus…
La tribu des GL, en pow-how autour du rond point, redécouvrent la solidarité des souchiens des plaines périphériques… l’antique peuple… Rigolo… émouvant… des visiteurs… Le grec antique est l’enfant envié de l’Humanité, disait Marx… (pompant Hegel)
Chouard croit qu’il fera du bobo qui se masturbe 50% du tps ds le jouir sans entrave… un hoplite antique… qui consacrait 50% de son tps à la Cité. Ah! Ah! Seuls les pauvres redécouvrent l’intérêt du bien commun… la nation… Le grec ne vivait que pour l’Histoire de la Cité (et de sa lignée), pas bobo, qui vit pour lui (et n’a pas d’enfant). De l’UN peuple à l’Unique individu. On ne ressuscitera pas les grecs disait Nietzsche. Mais déjà Aristote se plaignait de la décadence des mœurs politiques.
Un légionnaire avec bouclier casque et glaive battu par un pugiliste… la honte… qu’il fasse un stage chez les gladiateurs !
Mais bientôt Sparte transhumaniste, la nvlle Cité forclose sur elle-même…
voltarousse dit
Le grand danger c’est que les GJ retournent l’opinion publique contre eux et que les classes moyennes sup qui constituent une grande partie de l’électorat de Macron reviennent vers lui et votent pour ses candidats aux européennes alors que c’est justement là qu’il convient de porter le coup décisif .