Les superlatifs étaient de mise hier chez les commentateurs politiques pour analyser la véritable raz-de-marée de députés estampillés La République En Marche (LREM) qui se dessine à l’issue de ce premier tour des élections législatives, ce dont s’est immédiatement félicitée officiellement la chancelière allemande Angela Merkel. Selon la fourchette admise par les différents instituts de sondage, l’alliance LREM (28,21%)-MoDem (4,11%) devrait emporter entre 400 et 455 des 577 sièges (la majorité absolue est de 289 élus) et tous les ministres macronistes engagés dans la bataille sont en situation de l’emporter au second tour. Y compris Richard Ferrand dans le Finistère malgré la très lourde affaire dite des Mutuelles de Bretagne. Mais en politique il y a du vent ou il n’y en a pas, et quand il souffle… Quelle opposition au macronisme dans ce contexte? Les mêmes sondeurs prévoient entre 80 et 132 sièges pour le conglomérat LR (15,77%) -UDI (3,03%), de 15 à 40 sièges pour la coalition PS (7,44%) -PRG (0,47%) -EELV (4,30%) -DVG (1, 60%) , de 10 à 23 sièges pour FI (11, 02%) et le PC (2,72%) , de 1 à 10 sièges pour le Front National (13,20%).
Une chambre qui donnera comme à chaque fois sous la cinquième république une majorité pour gouverner au président nouvellement élu mais qui s’annonce sans sursaut des électeurs particulièrement monocolore. D’autant que de très nombreux candidats LR-UDI ont fait savoir qu’ils étaient macrono-compatibles et ne s’opposeraient pas fermement à la politique de la majorité présidentielle. La force d’attraction de LREM apparaît si forte que même des figures de la droite progressiste mais non adoubées par le parti d’Emmanuel Macron sont en grande difficulté. C’est le cas de Nathalie Kosciusko-Morizet qui dans la deuxième circonscription de Paris, jugée imperdable, arrive très loin derrière le candidat de LREM et devrait être battue dimanche prochain. L’ex secrétaire d’Etat aux droits de l’homme de Nicolas Sarkozy, Rama Yade, a été elle éliminée sèchement dès le premier tour dans la 1e circonscription du Loir-et-Cher, avec 5,65% des voix…
Une droite qui sous sous la conduite de François Baroin ne parvient plus a dissimuler l’incapacité grandissante de ses membres à vivre-ensemble tant les écarts idéologiques apparaissent béants, toutes choses que les basses eaux électorales révèlent au grand jour… Henri Guaino, candidat malheureux dans la même circonscription que NKM, qui a annoncé hier soir qu’il mettait fin à sa carrière politique, l’a dit sans ambages sur le plateau de BFMTV. Il a conspué un électorat bourgeois-bobos à vomir , le cercle de la raison centriste et LR, parti- ramassis selon lui de menteurs, d’affairistes, d ‘opportunistes.
Certes la droite libérale n’est pas (encore?) dans l’état de quasi mort clinique du Parti socialiste qui, comme elle, s’achemine vers son score le plus faible aux législatives de toute l’histoire de la cinquième république. La liste des éliminés du premier tour, avec des scores très souvent inférieurs à 15%, est impressionnante en ce qu’elle compte beaucoup de figures de ce parti: son premier secrétaire Jean-Christophe Cambadélis, élu depuis 1997 dans la 16e circonscription de Paris, totalise moins de 10% des voix; le porte-parole du PS Razzy Hammadi, les ex ministres de Lionel Jospin, Elisabeth Guigou et Jean Glavany ; l’organisateur de la primaire à gauche, Christophe Borgel; la présidente de la commission des affaires sociales à l’Assemblée, Catherine Lemorton; les très hargneux antifronstistes Pascal Cherki et Eduardo Rihan Cypel…
Sans candidat macroniste contre lui, Manuel Valls qui a bénéficié dans son fief d‘Evry de l’ estampille majorité présidentielle à encore ses chances de l’emporter dimanche prochain tout comme les ex ministres Stéphane Le Foll et Marisol Touraine. Mais ce sont des exceptions. Outre la disparition du PS de zones entières de la carte électorale, les ex-membres de gouvernements du quinquennat de François Hollande engagés dans la bataille sont en général éliminés dès le premier tour: le candidat à la présidentielle Benoit Hamon; Kader Arif, ex-ministre des Anciens combattants; Pascale Boistard, ex-titulaire du portefeuille des Personnes âgées; Cécile Duflot et son successeur à l’Ecologie Emmanuelle Cosse; Christian Eckert, responsable du Budget; l’éphémère ministre de l’Intérieur, Mathias Fekl; Aurélie Filippetti, ancienne ministre de la Culture; François Lamy, ex-ministre délégué à La Ville; Juliette Médael, ex-secrétaire d’Etat chargée de l’Aide aux victimes; l’ex-secrétaire d’Etat Ségolène Neuville…
L’ancienne très décriée ministre de l’Education, Najat Vallaud-Belkacem et le dernier ministre de la Justice de François Hollande, Jean-Jacques Urvoas, ont passé la barre du second tour mais sont très nettement distancés par les candidats de LREM, sauf miracle ils devraient mordre la poussière le 18 juin.
Le Front National pour sa part se retrouve avec 110 candidats qualifiés au second tour contre 61 en 2012. Mais l’absence de triangulaires et les consignes de désistements réciproques entre partis du Système au nom du front républicain données par François Baroin, les dirigeants du PS, de l’UDI, du MoDem, Mélenchon, laissent augurer un faible nombre d’élus. Certes, le FN sera présent dans 10 des 11 circonscriptions du Pas-de-Calais et Marine avec 46,02% des suffrages (elle augmente son score de la présidentielle dans sa circonscription) prend un net ascendant à Hénin-Beaumont. Si la mobilisation s’amplifie si le sursaut se matérialise dimanche prochain, Louis Aliot, Bruno Bilde, Sébastien Chenu, Gilbert Collard, José Evrard, Hervé de Lépineau, Emmanuelle Ménard (femme du maire de Béziers soutenue par le FN), Florian Philippot, Stéphane Ravier ont notamment encore des chances de l’emporter.
Bien sûr, chacun aura constaté avec Bruno Gollnisch, outre l’abstention record (51,29%, contre 42,78% du premier tour de 2012, déjà historiquement élevé), toutes les tares antidémocratiques de ce Système. Le fait que les 40 % d’électeurs de Marine et de Mélenchon du 23 avril dernier n’auront qu’une poignée de députés pour les représenter, faire entendre leur voix. Le fait que le parti de M. Macron (6 390 871 voix sur 47 571 319 d’électeurs inscrits et 23 170 977 votants) avec à peine le double de suffrages ce dimanche que le FN, devrait obtenir en toute hypothèse 70% des sièges alors que 68 % des électeurs qui se sont déplacés ce dimanche n’ont pas voté pour l’attelage LREM-MoDem, la droite LR-UDI héritant de la quasi totalité du reste. Le fait que troisième parti en terme de voix, le FN devrait avoir beaucoup moins de députés que le PS et la FI.
Vivre c’est choisir, et les électeurs, souvent par résignation, découragement, ont choisi de donner les pleins pouvoirs écrasants aux libéraux-libertaires, aux bruxellois, aux immigrationnistes. Mais il serait trop facile, même si cela est tentant, de blâmer les Français. Il est évident que nous n’avons pas réussi à mobiliser les 7,7 millions d’électeurs qui se sont portés sur la candidature de Marine au premier tour de la présidentielle et encore moins les près de 11 millions qui ont voté pour elle au second. Le FN avec 2 990 613 voix, engrange même moins de suffrages qu’au premier tour des législatives de 2012. De tout cela il faudra tirer un bilan constructif, opérationnel et une analyse franche et lucide.
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